jeudi 13 novembre 2008

Pour Yves Noël Genod, un phénix à Paris.

Et quand bien même Yves Noël Genod en aurait rien à faire et n'aurait rien à espérer. Que tout tombe, mythes, textes, décors, costumes, chairs... que cela se compile à main levée, que le présent soit absolument parfait, prêt à contempler. Qu'il n'y ait donc même plus la peine d'aller au théâtre et de payer pour voir des acteurs en transe, qui se grattent, pissent et chantent, se souviennent de vers oubliés, dans la plus grande détente d'une salle climatisée. J'aurais eu cependant cette chance d'apprécier cette chute libre, ce cante jondo. L'heureux signataire en Genod. Il semblerait qu'il ne s'en rende même pas compte tant cela glisse. Beaucoup d'écoulements, de souvenirs de vagues, de nudité (il faudra y revenir) mais quelques planches aussi du coup: bodyboard avec personne âgé, canoës sans doute, en tout cas, tout ce dont on peut se servir sur place sera ok, élégant, montré, distingué. Du furoncle à la gaffe énorme de mal jouer ce soir devant d'autres gens. D'autres gens, d'autres gens... complètement complices ils le sont aussi.





Je me rappelle de plusieurs sommations de Peter Handke dans son "Outrage au public" pendant lequel son auteur assènait les lois d'un contrat inconscient qui nouerait le public et l'auteur. Ce qui m'avait fortement évoquer les règles mises en places par les héros d'un autre testeur de fermes relations contractuelles en la qualité de Sacher-Masoch. Et bien, je crois que ni l'un ni l'autre n'ont à voir avec cet autre marionnettiste qu'est Yves Noel Genod...
Peu de gens iront voir ces spectacles par hasard. La curiosité, les "on-dit" d'une expérience à chaque fois unique les entraîneront à s'asseoir parmi d'autres excités et d'autres habitués. Lui raconte que ce sont des pièces de répertoire, qu'elles sont toutes rejouables. Il a raison peut-être mais quel travail faudra-t-il pour retrouver ce qui fait l'extrême saveur de cette récolte spontanée. C'est une histoire dangereuse de pureté et d'innocence, c'est pour ça qu'il se déguise en Harry Potter ou en phénix à Paris. Est-ce le contraire de Peter Brook qui disait éviter à tout prix la pureté ou parlent-ils tout les deux de la même chose ? ... de la tentative du premier geste, du premier dessin. Serait-ce le sujet brûlant, le seul sujet qui vaille en art et en philosophie, celui de Faust ou de la folie, celui que Pasolini dénommait réalité, celui que Borges appelait illusion ?

Yves Noël Genod se donne entièrement à ce jeu : http://ledispariteur.blogspot.com/. Je crois croire en cette bonté utile, remplie à ras bord de notre aujourd'hui. J'espère en ce désintérêt comme d'un entraînement à mourir vivant. C'est beaucoup je sais mais ces acteurs semblent prouver ce plaisir si particulier : être au service d'eux-même, non pas d'un auteur ou de leur metteur en scène. Peut-être qu'ils lui rendent sa confiance et que cela se sent partout dans la salle, peut-être sont-ils un peu plus eux enfin, entre eux, ces hommes qui brûlent. Et par ce truchement du jeu, ils deviennent aussi de bons comédiens. C'est à dire qu'ils ne nous font pas croire à autre chose qu'eux. Si par hasard ils en viennent à interpréter un personnage ou à se laisser pénétrer par un texte choisi, par une idée soudaine, ils créent cet accord tacite, ce contrat secret : nous sommes des enfants, nous vous jouons la comédie et vous aimez y croire. Mais regardez bien aussi, nous sommes des hommes dans cet espace et nous vous offrons ce moment de délivrance, de pathos nécessaire à votre voyeurisme. Yves Noël Genod assume entièrement cette nouvelle donne de la scène, il en est même l'un des plus fervents protagonistes, passionné de chair et de poésie, niant haute et basse couture, il mêle inextricablement le réel et l'artifice pour notre plus petite et notre plus grande jouissance.

Sylvain Pack


2 commentaires:

  1. merci... un ami me signale votre article comme trouvé "au hasard" sur la toile. vous êtes très, très aimable...
    au plaisir de vous rencontrer

    Yves-Noël Genod

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  2. Cher Yves Noël Genod,

    je suis très touché par votre lecture et l'intention de votre ami car comme j'essaie de le démontrer, vous méritez toute cette amabilité.

    Le hasard rassemble un tas d'ordures et c'est le plus beau des arrangements... Herald Kleat.

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