samedi 26 décembre 2009

Open forms, new economies


Un siècle de libérations, de coalitions et de spéculations a suffi à l'art pour se hisser au rang, anciennement méfié, de production culturelle et politique influente. L'artiste est aujourd'hui ingénieur, peintre, maçon, prostitué, alter-mondialiste, hacker, chef d'entreprise, commerçant, sportif, plombier, traveller, publicitaire, acteur de cinéma, top-model, enfant, animal, performer... il est tout ce qu'est un chacun. Il suit à rebours les remarques mythiques d'Andy Warhol et de Joseph Beuys, l'un préconisant le quart d'heure de célébrité individuel et universel, l'autre scandant la possibilité pour chacun d'être un artiste. Il se multiplie dans tous les corps de métier, il engendre des écoles, des institutions, des fondations, des festivals... Il est entré bruyamment dans la société du monde et le monde des affaires pour y tenir une place convoitée et rayonnante. Il y est aspiré, élu, libéré.

Les productions de l'art sont quant à elles répertoriées, quantifiées et évaluées selon des critères pour le moins tenus secrets dans différentes castes qui se regardent en chiens de faïence et ne manquent pas de rivaliser à grands coups de réceptions de prestige, de prix honorifiques et de ventes mythiques. On pourrait donc assez vite ajouter dans la liste du "tout un chacun artiste" l'existence de marionnettes conceptuelles dont la créativité ne pèse pas ou si peu face à ses actionnaires. Les circuits entrelacés que sont ces milieux d'acheteurs, de diffuseurs, de commissaires et d'artistes continuent de catégoriser et de chosifier le flux créatif alors que leurs citations peuvent aller hypocritement à ceux qui plient et rendent l'art à la vie. Syndrome occidental presque chrétien que de se cacher et de s'organiser derrière l'image du rédempteur ?... mais les poètes persistent, anti-héros de leur ère, continuant à emboiter le pas sur la pensée. Les musées, les théâtres, les éditeurs se doivent de réfléchir là comme les antécédentes maisons de disques. La production musicale a bouleversé son support à de nombreuses reprises et à plus d'un titre. L'innovation sonore, affranchie de ses anciens codes et les réinventant sans cesse, semble formuler de nouvelles économies humaines. Des musiciens et compositeurs tel John Cage, Moondog, Luc Ferrari ou Cornelius Cardew ont su rendre à la production une nécessité vitale, accessible, sans la sacrifier à l'hymne ou au refrain, sans en ôter la complexité sensible.


Aujourd'hui les ramifications de la recherche sonore sont innombrables et l'exigence de leur mouvement s'infiltre dans tous les domaines urgents de la vie. Le noise, le streaming, la fusion, le slam, la phonographie visitent et fructifient la biologie et l'écologie, la communauté et son organisation.
La moitié du vingtième siècle a vu ainsi apparaitre des formes ouvertes dont on retrouve partout l'efficacité et l'espoir d'attentions accrues. Je citerai pour ma part, et ceci, vu d'un seul angle de la planète, la naissance de médiums ("langages") efficients et circonscrits à l'expérience et aux dévouements de vies entières : la danse-contact, le théâtre-forum, la poésie sonore, la performance, pour et par lesquels l'homme peut accéder à d'antiques intuitions et communions de sa présence au monde.

Il n'en faut pas moins de conviction et de détermination pour conjurer la nuit dans laquelle l'homme s'est plongé, de force et d'humilité pour mépriser ses "conseillers perfides". La volonté de contrôler ce monde, de l'asservir et d'en disposer arrive à son "climax". Refuser de voir cette violence politique internationale serait une ignorance tout aussi réprimable que de penser que les "sans-abri" sont responsables de leur suicide social.

Quant à ces nouvelles pratiques, elles sont prêtes à l'emploi, toutes idéales pour accompagner la décroissance ou le refus de coopérer à la destruction de notre expérience. Elles comprennent et s'invitent à l'exploration scientifique, au développement technologique. Leur alliage peut s'affiner en de solides résistances inter-humaines. Plus elles seront nécessaires à la survie de notre communauté et plus elles seront inutiles à son exploitation et à son individualisme.

Sylvain Pack

jeudi 9 juillet 2009

Pourquoi la droite n'aime pas la drogue ?



La droite n'aime pas la drogue parce qu'elle n'en connaît pas les vertus ou tout au contraire, parce qu'elle en jouit pleinement en secret, sans recul aucun. Effectivement quel chef d'état ne connaît pas aujourd'hui le petit suplément d'assurance que pourrait lui apporter des amphétamines, de la cocaïne ou de l'héroïne. Alors oui, de nouveau la plupart de ces pouvoirs en place, et notamment cette Europe de droite principalement fondée, se fait valoir par sa plus mauvaise foi. Le terme convient... N'y a-t-il pas derrière ces législations et ces punitions une forme toute choisie de moralité aveugle, préconisant le bien de tous afin de mieux s'attirer les faveurs de ses croyants et d'en manipuler le plus grand nombre ?

Mais la droite ne bénéficie pas qu'en catimini des bienfaits de ces médecines. Son apparente scandalisation quant à ses effets ravageurs sur "notre jeunesse" n'est qu'une façon de plus pour masquer le gigantesque cambriolage des peuples dans laquelle elle s'est spécialisée depuis soixante ans. En plus des excès de vitesse, des sanctions sur internet, de la création d'une police de propreté, la droite, étalant son hypocrisie aux yeux de tout un chacun, renforce son combat contre la drogue et renfloue ses caisses grâce à de nouvelles dîmes.

La main droite, celle qui dirige le plus souvent, détient fermement les clés de l'Europe en ce début de siècle. Elle n'est pas prête à les relâcher de sitôt, quoiqu'en disent des socialistes rassérénés d'idéaux. Elle l'a remportée au prix d'un désastre humain dans lequel s'illustrent les périodes parmi les plus accablantes de notre histoire : les guerres mondiales, la guerre froide ou l'instauration d'un Tiers-Monde. Berlusconi, Sarkozy, pour prendre les présidents européens les plus tape-à-l'oeil, ne sont pas des êtres égoïstes et névrosés pour rien, ils ne vouent pas un culte à la réussite sans raison. Je veux dire par là que le terrain est préparé à leur arrivée. Anciens mussoliniens et autres figures fascisantes avec qui il faut obligatoirement traiter pour monter les marches... Je ne parle pas de marionnettes mais pense plutôt à des familles, à des entreprises et enfin bien sûr aux banques historiques qui ont orienté et orientent toutes les grandes manoeuvres politiques par le poids de leurs finances. Le sujet devrait ici se corser et je ne pense pas avoir besoin d'être dans les secrets d'état ou de paradis fiscaux pour couronner mon résultat, je me contenterais de m'appuyer sur l'histoire récurrente et machiavelique de la manipulation des plus forts sur les plus faibles. Avancer une telle relation pourrait-on me dire relève de la diffamation et de l'ignorance. J'insiste alors en vous proposant un temps pendant lequel la main d'un droitier n'est qu'un outil de vengeance déguisé sous un gant à facettes, ondoyant et renvoyant mille réalités autrement plus malheureuses, telle par exemple le visage de son porteur fatigué et distrait par des hallucinations avec lesquelles il s'entretient. Tantôt Dieu le rassure et le pardonne, tantôt le diable lui soumet de nouveaux projets. Prisonnier alors de visions éculées, il s'en retourne hagard et livide, la main gauche amputée, sans passeur, sans chamane pour lui expliquer le délire haineux dont il a été responsable.

Les drogues sont des aliments, des boissons, issus de végétaux intelligents. Elles provoquent des effets, elles nécessitent équilibre et excès, connaissance des saveurs et des mélanges. L'ivresse du vin est éminément liée à la qualité de son crû et de sa fermentation. La vibration mondaine et chaude du vin emporte les gens dans un dialogue festif et fraternel. Le haschich sensibilise à la connaissance et fait danser la psyché. Les psychotropes approfondissent la vue...

peyolt

Je ne vois finalement qu'une raison qui empêche l'éducation, l'histoire, la légalisation de plantes sacrées en Europe mais qui favorise son exploitation pharmaceutique, les cartels et sa criminologie : la concurrence. La concurrence trop puissante sur ce marché et le retard économique considérable de notre vieux continent, qui a mis des années à combattre et à rationaliser des pensées par trop "sauvages".

Sylvain Pack.

lundi 18 mai 2009

De l'importance de l'obscur.


esoterisme

Le peuple est l'entité la plus manipulée, la matière la plus sûre et la plus passionnante à expérimenter. Elle se quantifie, s'évalue, se vérifie et ce plus nettement depuis que les organes de pouvoir tel que le nazisme ont pu testé librement l'industrie à des fins d'éradication humaine. L'élimination de masse a permis de grands progrès dans la numérisation des déplacements humains; elle a favorisé une forme de déshumanisation ultime, rendant l'acte barbare à une activité distante et professionnelle de comptable. Les prémices de cette atrocité à l'égard de notre propre espèce remontent à la nuit des temps et les thèses conspirationnistes sont à ce propos très éclairantes. Bien sûr leurs provenances sont souvent douteuses, ce qui fait paradoxalement leur qualité (la difficulté de connaître l'origine de leur divulgation). Une provenance multiple.

esoterisme

Notre nouvelle ère semble proposer des canons d'expressions uniformes, tous issus, bon gré mal gré, d'utopies politiques et religieuses organisant une occupation terrienne globale. Qui oserait douter aujourd'hui que ce canevas n'est pas déterminé par les grandes puissances économiques régnantes et que leur mise en réseau et en concurrence est achevée ? Le sentiment public de n'être qu'un pion dans ce jeu est aussi de plus en plus partagé. Pourtant ce type de scénario était déjà circonscrits depuis un siècle par ces fiers adolescents que sont les auteurs de science fiction. Parmi eux, nombreux qui n'hésitaient aucunement à piocher dans différentes mythologies, à en réactualiser d'autres, mais aussi à imaginer des intrigues toujours plus démoniaques pour permettre de lutter contre les monstrueuses corporations. Vous m'accorderez qu'il est aujourd'hui bien difficile de séparer le réel de la fiction. Toute notre génération n'est-elle pas pétri de cette confusion, même ceux qui se sentent piégés "du côté obscur de la force" ?

L'obscurantisme pour autant n'est pas souhaitable et les conspirateurs et révolutionnaires de tout bord le savent bien : le culte de l'équivoque et toute bigoterie aveuglent l'instinct du penseur et de l'assaillant. L'obscurantisme est un mode de dilution de l'intellect et de divertissements utilisé par les médias corrompus, le show business, la publicité et la propagande cinématographique. Les ennemis ne se sont jamais autant clairement définis. L'étau se resserre. Ils le savent et c'est pour ça qu'ils se protègent, qu'ils crient fort, au scandale, au délitement social et à l'ordre !

Tandis que nous les derniers informés, les cobayes de l'indutrie agro-alimentaire, de la nourriture transgénique, des virus autant que de leur vaccin, du néo-urbanisme et des nanotechnologies militaires, nous pouvons lire et nous instruire encore, malgré l'augmentation des heures de travail et l'asservissement organisé à cet effet. Nous puisons dans le gigantesque esotérisme multiculturel de l'histoire qui se révèle de toute utilité. L'obscurité dans laquelle se nichent les codes secrets de notre joie est une brume épaisse et amicale dans laquelle on peut apprendre à se déplacer, acclimaté par l'utilisation fréquente de la contradiction, de la confusion et de la complexité. On y protège ses sources des yeux mécaniques et des autoroutes brillantes. On y trafique. Enfin pour défendre le transport des recettes les plus rares, on entretient sciemment ce brouillard, quitte à y emprunter un camouflage.

Sylvain Pack.

dimanche 29 mars 2009

Pour Matthieu Montchamp, peintre impoli.


Je connais deux peintres qui aiment l'action de peindre et dont les calculs et les problématiques ne visent pas que le seul public. Le premier, dont je vais essayer dans cet article de tenter une approche idéelle s'appelle Matthieu Montchamp. Je regarde son travail depuis une dizaine d'années et, à chaque visite de son atelier, il me semble comprendre la nécessité ou l'évidence que cette peinture soit. Autrement dit que les choix draconiens de Matthieu Montchamp, dans ses évacuations, ses violences et ses repentirs, imposent au spectateur une vue inimitable sur notre condition humaine.
matthieu montchamp

La condition humaine est un terme risqué pour aborder le chantier pictural de ce peintre qui a commencé son travail par des architectures et des désarchitectures. Soupçons et doutes quant aux bienfaits de la perspective étaient déjà les menaces de ces compositions blanches, grises, vertes et violettes comme pour répéter ou conjurer la faillite monotone de notre nature. Et pour poursuivre sur cet ambiguïté du rapport humain , je me rappelle que presqu'aucune de ces architectures ne pouvaient accueillir des hommes. Majoritairement des volumes de ciment ou de pierres, des imbrications fausses, au mieux des piscines ratées mais presque jamais je crois des habitats. Ou plutôt le contraire d'un habitat, la négation des immeubles dans le regard méprisant et confus d'un peintre d'alpages. Loin de moi ici l'idée d'un orgueilleux croûtassier solitaire mais plus un clin d'oeil aux peintres de la retraite, à certains romantiques, exilés volontaires que Matthieu a dû analyser.



Puis le concept a laissé place à la matière, l'artiste à l'humain, l'espace au sujet, le minéral à l'organique. Ces peintures à l'huile se sont concentrées, endurcies. La palette précise, rigoureuse, le geste plus ample, des choix plus fermes ont laissé apparaître de larges représentations, aussi généreuses qu'énigmatiques, de maquettes absurdes, de sculptures idiotes et contradictoires. Robes sans corps, entassements inquiétants entre sandwichs kebab et briques de parpaing, puzzles iconographiques... Je pourrai sans doute continuer cette liste de fragments d'idées et de références mais cette amoncellement trahit l'idée plus précise d'une satire argumentée par un style agressif, ostensible dès le premier regard.



Ma dernière invitation à son atelier confirme ce point de vue. Le peintre insiste dans ses visions, il a besoin de notre regard mais seulement pour partager le chemin déjà parcouru. A l'inverse de la tragédie colorée de Mark Rothko (des tons chauds et clairs déclinant vers l'obscurité), Matthieu Montchamp jette soudainnement des couleurs crues sur ce voyage en Absurdie d'où l'homme a encore disparu, laissant la trace de ses actions et de sa présence comme le fantôme d'un terrible loisir. On y décèle des cabanes abandonnées sur des tubes de pvc, des totems effrayants et comiques (...) Porte-manteau, méduse ou Baphomet ? Des objets domestiques rendus à leur plus fatale inutilité, agencés à la manière de monstres goguenards, de grimaces sociétales.

Sylvain Pack

jeudi 12 mars 2009

Pour Tante Hortense et l'air qui l'inspire.

tante hortense

A Marseille, c'est un nom qui fait son chemin, entre les espaces verts invisibles et les ruelles d'un port souvenu. On peut saisir sa chance si l'air qu'il siffle traîne chez des amis. Il suffit de vous en rappeler et de le recroiser par hasard. Il vous invitera peut-être à l'entendre de plus près dans une maison construite en haut d'un immeuble. Il vous sourira sans vous connaître et vous le répètera un peu plus tard, au cours d'une chanson, qu'il aime cela, sourire aux gens, trouver de l'amour dans les yeux de tout un chacun, lui sans doute parvenu à cet honorable statut qu'est le pauvre type.

De pauvres types, il en est de bien vénérables, atteignant à force de secousses et de renoncements, d'acceptations et de lenteurs, une présence au monde tout à fait identifiable. Celle fragile ou dangereuse des êtres qui veulent expérimenter pleinement l'espace et le temps qui les environnent, les relations qui s'y tissent et s'y défont, au risque de s'abîmer, d'être incompris dans cette passion, de se retrouver seul dans cet abandon personnel. Tante Hortense semble inviter à ce temps, choisissant ses mots hors de la maison, les enroulant dans le collier des chansons qu'il défile depuis dix ans. Maintenant qu'il n'est pas bien connu, qu'on lui organise des concerts et qu'on l'entoure de plantes, de fleurs, à la façon dont on fêtait le vernissage des tableaux d'Edouard Manet, qu'on lui ramène des abats-jours décorés en guise d'éclairage de scène, sa voix se jette à l'envers de la mode, dans le silence d'un public détendu, respirant le même air, partageant boissons, sucre et chocolats. Sa main dans une cuica, sur un tambourin, il nous réunit par des paroles sur les routes d'émotions immenses et libres puis il laisse envahir son chant de notre écoute et de nos rires et se déploie dans quelques transes ou quelques farces, va savoir... Nous vivons des moments adorables avec Tante Hortense et ses amis. Il n'est pas question de les oublier dans des rues réelles et désolées de cités bien plus cyniques que leurs provocations joyeusement distillées dans ces sambas libertaires; recommandables par exemple à ceux qui ne reconnaissent plus d'authenticité, ni de marginalité à la chanson française.

"Les disques Bien" sont la suite logique et profanatrice de ces énergies singluières (Tante Hortense et ses amis, Flop, Eddy Godeberge, Mjo, Etienne Jaumet...). Leur label cohérent remonte les bretelles d'une industrie musicale rongée par la publicité et le gain en démontrant des différences toutes relatives et cependant essentielles : - l'autonomie de ses artistes - la tranquilité de ses artistes - l'art de ses artistes.


"Je ne veux pas d'un avenir, je veux un présent." Robert Walser


Sylvain Pack


dimanche 8 février 2009

Le désappartement.


A Nice, en 2004, sous l'impulsion de Robin Decourcy, bientôt suivi par Tristan Looa, David Carmine, Ludovic Corberand et Djonam Saltani se créera un lieu d'expériences uniques et déroutantes: "Le désappartement". Ces derniers, jeunes artistes et invités de passage, y vivent de manière fugace et anonyme. Le lieu est vide et plein à la fois. Après quatre ouvertures au public, le désappartement sera rendu totalement transformé à ses propriétaires, un couvent de dominicains et la Mairie de Nice... l'Eglise et l'Etat en quelque sorte, ce qui ne sera pas sans poser de problèmes. Pour m'y être rendu à chaque fois et pour avoir goûté à bien d'autres énergies collectives émérites tel que la Station, la sous-station Lebon, les Diables Bleus, 3 initiatives artistiques cohérentes et engagées qui se sont vus finalement dissoutes voire détruites par leur propre ville, je peux témoigner de l'extraordinaire et de l'empathie que dégageaient les réalisations de ce lieu d'art et de vie.

Qu'un appartement puisse servir de support à l'art n'a rien d'un fait nouveau, du premier musée d'art moderne aux Etats Unis fondé par Katherine S. Dreier et dont Marcel Duchamp était le président aux galeristes débutant leur pratique à domicile, l'exposition d'art a eu le temps de s'accommoder de toutes les contraintes de l'habitat humain. En revanche que l'habitation devienne elle-même l'expérience artistique est un fait plus rare et il en est resté de troublants souvenirs, difficilement conservables, souvent disparus ou retournés dans la sphère du privé. La Totes Haus U.R, le Merzbau, la Whitehead's House, le Conical Intersect, autant d'oeuvres poussées à leur paroxysme formel et qui, pour chacune, semble s'être révélée au public comme une pièce maîtresse de leur auteur.



Ici, première surprise, l'auteur est multiple, l'oeuvre fragmentaire, en cours, active dès la reprise du lieu. L'ancien propriétaire, un archéologue décédé il y a quelques années, a laissé dans l'appartement de nombreux éléments personnels: photographies, restes de fouilles, livres, documents papier... Les artistes déploient les souvenirs, les analysent, les ingèrent et semblent aussitôt utiliser la méthode découverte. Evitant la morbidité futile d'exposer ces objets fragiles, ils décident presque inconsciemment de simuler le procédé de recherche archéologique et d'opérer directement sur le bâtiment : papier-peint, mur, caches, plinthes, palimpsestes, fissures seront leur matière et leur vocabulaire. L'orientation est manifeste, son sujet sera la révélation de l'espace vital et vécu.

« Le 2 rue hôtel de ville nous a toujours été étranger. Il constitue pourtant notre premier abri, protection contre le froid, contre le chaos urbain, le bruit et les intempéries (...) Le désappartement (the diflat) scelle nos divergences, clame notre silence artistique. Il n’y a aucune volonté thématique mise à part une attention chronique, ‘a guarantee of sanity’ (Louise Bourgeois), portée à la relation humaine (...) Distance de cloison pas si épaisse, car à force de gratter au lieu de recouvrir, le mur pourrait devenir panpsychisme (...) Dessus le ‘Lynch’ naturel de l’entrée (papier-peint fleuri, jaune et cramoisi) un arbre a été tranché et vous ne le verrez peut-être même pas car un autre s’y dessine, au scotch, au cutter, à l’encre de chine. (...) L’entretien du lieu de vie est devenu une activité artistique. Le mouvement qui y confère crée des solutions utilitaires et domestiques improbables, simplifiées. Le mouvement vers une harmonie plastique fait ici pour l’instant la soustraction du gadget, du luxe. Il est fécond en images et en sons (...). Dans la chambre près du salon une tapisserie de photos de voyage a explosé sur le plafond et les quatre murs...»

Textes ~ tristan Looa, gérald Panighi, robin Decourcy extraits du site internet "le désappartement" réalisé par florent Bonnet:

http://i.1asphost.com/desappartement/desappartement.swf


Sylvain Pack.

mardi 3 février 2009

Pour le cathartique, le misérable, le scatophage, le saignant Jean Louis Costes.


jean louis costes

Evidemment les performances à caractère chamanique et sexuel de Jean Louis Costes ne sont pas aujourd'hui diffusées dans les institutions conventionnées. Sa réputation ou sa discrétion médiatique n'est pas tant de sa volonté mais plutôt de la crainte que provoquent ses explorations psychiques et organiques. Même si nous pouvons rappeler assez facilement aux plus jeunes qui nous écoutent que de nombreuses fêtes païennes ou sacrées, propre à chacune de nos cultures (latines, grecques, celtes, africaines, amérindiennes...), étaient spécialement organisées pour libérer nos tensions retenues en de puissantes explosions orgiaques partagées par toute la communauté, nous devons aussi leur préciser que le but recherché était justement celui de réguler la violence propre à l'humain dans sa société.

Ne croyez pas pour autant que ces méthodes ont été oublié. Bien au contraire, les systèmes de défouloire ont été tout à fait intégré à notre société de consommation. Ainsi les loisirs, le sport et la culture font le maximum pour donner l'illusion de cette liberté communautaire retrouvée... mais comment et où, au juste, retrouver le temps et l'espace de cette rencontre ?
Hakim Bey a, par exemple, pensé aux TAZ (Zones Autonomes Temporaires), les travellers et les techno-tribes ont eux répondu par des free-party. La Rainbow Family ouvre à quiconque ses grands rassemblements d'amour et de paix. Jean Louis Costes s'offre quant à lui, depuis une trentaine d'années, des petites transes en cave avec quelques uns de ses fidèles, partageant avec eux projections gastriques et névrotiques.

Le public présent semble tout à fait disposé à se faire peur ou à regarder de plus près ce qu'il n'oserait partager lors d'une discussion en plein jour. Il faut dire que Jean Louis Costes est rapide et a l'amabilité de nous mettre très vite sur un plan d'égalité psychique. Effectivement il lui faut en général à peine deux minutes pour nous saturer de toutes les pathologies possibles et développables à partir des origines de notre conception, de la formation de notre sexualité à l'exploration de notre fécalité. Les tabous tombent si violemment et si "bête-ment" que les spectateurs n'ont peu le choix entre rires, larmes, dégoûts et stupéfactions.

A force de don et de catharsis, usé à toutes les caves et tous les squatts, Jean Louis Costes parvient à tordre son égo à d'étranges simulacres. Bien plus christiques encore. L'exhibition de son corps souvent nu, le jet fictif de ses excréments sont autant de signes de distribution compassionnelle et d'amour spectaculaire et bilatéral. Il le confirme par ailleurs dans des interviews pendant lesquels il semble succomber et regretter de dire son saisissement et ses accointances spirituelles face au crucifix. Ses mots sont à cet égard sans malentendu mais son visage souffre et ne s'amuse pas de cette reconnaissance. Alors que regrette ici Jean Louis Costes ? Vit-il la douleur de son premier assujetissement symbolique ? Y voit-il le paradoxe d'un dieu humain qui a racheté nos péchés mais à partir duquel on aurait instauré l'organisation pyramidale de notre société ou saignerait-il vraiment pour la première fois, face aux bourreaux tant haïs de la "masse média" ?


Sylvain Pack

lundi 2 février 2009

Culturels vampires.


En société nous sommes avenants mais nous restons très occupés. Il vaut mieux donc aller droit au but lorsque vous vous adressez à nous. Si vous semblez décontracté, si vous nous faites croire que vous méconnaissez les postes que l'on occupe mais que vous ne doutez pas de l'influence qu'ils exercent, nous aurons peut-être un temps aimable et concentré à vous offrir. Si vous ne manquez pas d'humour, d'auto-dérision mais surtout de sang-froid, ce qui nous laisse entendre que vous en connaissez un bout et que vous êtes revenu d'à peu près tout, sans rentrer dans les détails... Peut-être connaitriez-vous des stars, comme nous, peut-être même les mêmes, mais ne nous étalons pas trop sur nos carnets d'adresses... Nous n'aurons rien à vous donner concrètement, nous préférons de loin vous découvrir ou que quelqu'un d'autre nous ait parler de vous. Enfin qui sait, nous sommes prêts à entendre vos idées et vos propositions. N'hésitez pas à vous dotez de bonnes références écrites et même de chiffres, ça pourrait asseoir votre position.

Nous sacrifions parfois à la grande gentillesse de certains rendez-vous... Mais il nous serait difficile de répondre aux milliers de projets qui nous sont envoyés chaque jour. Même nos secrétaires ne peuvent répondre à toutes ces sollicitations. En revanche, nous restons très ouverts aux propositions qui pourraient s'associer à notre politique. Oui car nous avons une idée politique sociale très précise, curieuse du quartier qui nous entoure, des inégalité d'accès à la création contemporaine. Nous sommes motivés par le partage des genres et des savoirs. La contemporanéité de l'art tombe bien car elle s'est aussi beaucoup intéressée aux même questions en se régénérant grâce à sa trans-disciplinarité, à sa gratuité, à sa délocalisation. Nous comprenons tout à fait ce que vous voulez dire...Tiens nous avions à peu près la même idée d'ailleurs ou je ne sais plus si c'est quelqu'un autre qui nous en a parlé. C'est intéressant en tout cas. Recontactez-nous.

Parfois, nous dirigeons des grosses machines et nous recevons énormément de subventions mais nous avons comme code d'honneur de ne pas le dire. Ce serait indécent. Souvent, nous sommes issus d'un projet assez radical dont nous essayons de préserver l'esprit mais nous voyons bien que vous en doutez. Il faut dire qu'il est dangereux pour nous et notre statut de se risquer à des noms mystérieux. Nous pouvons y perdre tout la fidélité et l'audimat que nous avons mis du temps à sécuriser. Ainsi il nous est plus évident de faire tourner des objets de confiance, quitte à se laisser naïvement berner par les ersatzs de ces derniers... Pour être plus honnête, c'est moins cher et c'est plus amusant. Nous aussi, on s'y essaie. Il n'y a pas que les artistes qui sont capables de faire de l'art. La preuve : les artistes n'en ont-ils appelé pas à la démocratisation de leur art, voir en sa décélébration totale ? Nous les avons bien vu faire et vous en bénéficierez d'une certaine façon. Allez, partageons le gâteau de la reconnaissance! Nous en avons besoin aussi, toujours à travailler derrière ou pour la diffusion de leur fantasme. L'oeuvre ne devient-elle pas aussi celle de tout le monde, celle que l'on investit de notre regard ?

Cette année en tout cas, nous avons décortiqué toutes les thématiques abordées et invité en conséquence quelques artistes en vue. Le travail de sensibilisation sera plus facile à réaliser. Les classes d'écoles et les maisons de quartier pourront assister aux préparations. Mais nous n'avons pas pu éviter certaines coupes de budget. Sans inquiétude aucune, je pense que notre équipe va vite trouver la possibilité d'utiliser des idées que vous nous avez finalement donné à entendre. Vous nous avez semblé aussi soucieux de cette nécessité de partage. Vous n'en serez donc pas, outre mesure, perturbé. Et, pour ne pas trop vous blesser, nous détournerons un tout petit peu votre concept vers quelque chose de plus simple, de plus festif et éviterons d'utiliser le même titre. Merci à vous et à toutes ces collaborations invisibles.

Sylvain Pack

vendredi 30 janvier 2009

2009 France infréquentable!


Internet, l'entre-nous numérique, nous permet plus que jamais d'inspecter l'information, autant historique que contemporaine. Sa rapidité et sa multiplicité de points de vue ne nous laisse plus le choix d'un canal contrôlé ou de certaines lectures déjà orientées. Notre président l'a bien compris. Il a décidé de s'entourer et de seduire des gens d'obédiences politiques diverses en mettant la main basse sur tous les organes de presse, secteurs d'édition et télévision.



"2009, France infréquentable !" - a-t-on envie de faire savoir aux autres. "Europe, vieille maquerelle protectionniste et auto-centrée !" - a-t-on gardé ces injures trop longtemps secrètes. Ceux qui prennent la parole, hautes sphères, artistes du show-business, du petit écran, ne représentent plus depuis déjà longtemps tous les discours, la colère mais surtout la réalité qui surgissent dans les rues et les villes de nos pays. Comment j'en viens à une telle consternation ? Justement grâce à cette alter-information, correspondant en tout point à la manière dont j'ai essayé de m'instruire. Analysant, remettant en question et désapprenant souvent le contenu de l'enseignement national. Est-il besoin pour cela de rappeler les énormités que l'on fait encore avaler aux futures générations ? Charlemagne, Clovis, Charles Martel, la Gaule, les Francs... bref une lecture de l'histoire contestable qui permettrait d'instaurer une citoyenneté à toute épreuve, à moins que certains professeurs, comme on en trouve heureusement beaucoup, sachent s'approprier et investir les programmes en donnant goût de la connaissance et de l'émancipation intellectuelle.
Certains journaux ont su anticiper l'importance du web et nous permettent ainsi une certaine accessibilité de l'information, tant de blogs et de sites font le relais, prennent du recul, détaillent et vérifient. Une armée gigantesque de journalistes amateurs font ce que beaucoup ont perdu sous les projecteurs et dans l'appât du gain. Ainsi nous savons que la presse nationale ne transmet plus toutes les informations et notamment toutes celles, extrêmement alarmantes, d'abus policiers. A ce jour et depuis l'investiture de Nicolas Sarkozy, je recense un bien trop grand nombre de courriers électroniques décrivant des scènes de violences policières faites sur la population.


Arrestations arbitraires, maltraitances physiques en pleine rue, dans des lieux publics, dans des écoles sont devenus choses courantes que refusent de reléguer la presse. Pour rappel, Abdelakim Ajimi dit "Hakim" a été tué par la police française vendredi 9 mai 2008 à Grasse, à l'âge de 22 ans. Trois policiers l'ont étouffé après qu'il se soit emporté dans une banque alors qu'on lui refusait un retrait. Le 20 Novembre 2008 à Auch la police s'introduit dans une classe, lâche ses chiens, fouille et fait se déshabiller des mineurs. Jeudi 22 Janvier 2009, à Limoges, rue de l'Escluse, le Teddy Bear se voit envahi et attaqué sans raison par les lacrymogènes de la BAC et des SRS, etc, etc, etc (informations toutes vérifiables). Je veux de plus témoigner de faits de répression tout aussi inquiétants, vus dans le métro et dans la rue depuis un an: l'arrestation et l'humiliation systématique dont sont victimes des personnes d'origine maghrebinne ou africaine. L'encerclement et le quadrillage de nombreux quartiers à population étrangère. Violences et agressions faites sur des jeunes entrain de danser, sur des musiciens de fanfare. Prise de stupéfiants et de cocaïne, intimidations et insultes sont les actes de la police dont j'ai pu me rendre témoin. Sachant qu'il existe dans mon entourage de nombreux témoignages similaires, il me faut conclure et imaginer la pire des gangrènes qui est entrain de se répandre et de se reformer, 70 ans après la collaboration française avec le national socialisme.

Sylvain Pack

mercredi 14 janvier 2009

Contre Christophe Honoré, le creux de la vague.


christophe honore

Je viens d'abréger le film "La belle personne" (4 étoiles par Libération, L'express, Télérama...) et Christophe Honoré va me servir idéalement et très injustement de bouc émissaire pour asséner ma hargne et mon dépit quant à la production du cinéma français. Pour commencer rapidement, ce film est évidemment celui d'un très mauvais faussaire. Pour cela aucun besoin d'aller chercher dans les objets de la nouvelle vague pour comprendre l'hommage ou plus simplement la technique de séduction utilisée : refaire du neuf avec du vieux. De séduction d'ailleurs, il est question. Choisissez de jeunes visages lisses et glabres, un peu mélancoliques et malades, réunissez les dans un lycée parisien et secouez mollement, vous obtiendrez l'immonde fainéantise filmique qu'est "la belle personne".

Mais pourquoi donc tant de haine de ma part ? Un regard sur la jeunesse parisienne ne peut-il être source de questions sincères ou d'émerveillements ? Certes mais le gouffre s'installe si vite entre nous et la surface de projections lorsque l'on découvre qu'aucun acteur n'est porté par une quelconque vérité puis enfin, fatalement, lorsque l'on décèle la fragilité du propos : les conflits sentimentaux que provoque une jeune lolita débarquée fraîchement dans l'école. Là aussi n'y aurait-il pas encore matière à vivre un dilemme oedipien, à participer à l'érotisme complexe de cette belle traumatisée ? Non, Christophe Honoré semble plutôt s'être inspiré directement des sitcoms de télévision pour illustrer ses passions secrètes. En passant par la "cafète" (le bar avec la gentille tenancière vieille et moche et confidente), le quiproquo de la lettre d'amour qui tombe de la poche, le prof qui sort avec ses élèves, les jalousies ... on aura vite compris que le réalisateur en pince pour ces belles gens mais faut-il tristement aussi reconnaître qu'il est nulle part question d'intelligence, d'intelligence du coeur, d'intelligence de l'esprit, d'intelligence de quoi que ce soit. Tous ces privilégiés, déprimés par la grisaille et l'ennui, se désirent dans une consternante sècheresse d'âme. Le tout est à coller dans la vitrine pathétique et nostalgique (néanmoins calculatrice) du cinéma français au côté d'"Amélie Poulain" et d'autres attrape-nigauds touristiques.


christophe honore

Passons enfin à la production cinématographique bleu-blanc-rouge, ultra réservée, tout à fait à l'image de cette petite caste parisienne tout juste déboîtée. Voilà peut-être 20 ans, peut-être 30 ans que le cinéma français s'auto-congratule et se définit comme la plus belle des familles (souvent entendue aux cérémonies des Césars). Une famille, c'est sûr qu'il s'agit bien de cela : un Famille qui a du Travail et qui a une Patrie... bref une grande famille qui protège son territoire et se dispute les sujets les plus mièvres et les réalisateurs les moins controversés. J'ai bien envie de vous réciter une liste d'acteurs vus et revus, qui bénéficient de toute notre crédulité mais je crains qu'elle ne soit trop longue pour votre attention. J'observerais donc plutôt la chape qu'a créé insidieusement cette tribu en rendant niais, flou et morne le cinéma français à l'étranger. C'est vrai qu'il y a de quoi rougir face à notre passé et surtout devant l'ingéniosité créatrice et la réactivité politique de tant d'autres pays. La France a assis sur ses origines intellectuelles et artistiques, un lot d'imposteurs et de nantis qui ne veulent en aucun cas perdre leur place, qui écrase toute une génération d'artistes intrépides et généreux pour préserver leur gagne pain, à moins qu'ils n'aient déjà appris à étouffer ces même poussins dans leur coquille. Des écoles d'art et de cinéma jusqu'aux agences de casting et de production, le souci est à la propreté de l'image et au consensus de sens. Il serait totalement naïf pour croire qu'un film produit aujourd'hui en France a sa liberté de parole ou ne nous faudrait-il pas un peu plus de conscience pour boycotter cette soupe ininterrompue et faire une supplique en faveur de productions autonomes sans grand renfort de publicité ?

Sylvain Pack

dimanche 11 janvier 2009

Pour Pascale Servoz-Gavin, la bascule de pièces encodées.



Pascale Servoz-Gavin a saisi le rapport qui se trame entre la danse et l'image filmé, ce qui fait d'elle à ma connaissance la plus inventive et la plus inspirée des réalisateurs de danse-vidéos. Sa supériorité filmique ne lui vient en aucun cas d'une élégance claire, d'une transmission ou d'un respect systématique du travail physique de la danse. Ce qui la distingue de toute évidence est la singularité totale d'un langage factuel, d'un témoignage excessivement intime du corps en mouvement. Ce témoignage ne s'encombre d'aucun code de cadrage labelisé, ingéré par le cinéma, la télévision ou la vidéo d'artistes. Le bien tenu, la steadycam, la caméra planante, toujours en vue de s'associer au regard du spectateur (malgré certains qui s'en défendent) restent preuves d'un bon goût, d'un encore bien pensant promulgué et maintenu par ce dernier art encore très circonstancié qu'est le cinéma. Ne renions pas cependant à l'image filmé tout son lot d'expérimentations formelles. Hans Richter, Luis Bunuel, Andy Warhol, Guy Debord, Bill Viola, pour ne citer que les plus célèbres, ont tenté d'interroger le support filmique et ses limites pour des raisons toutes différentes mais elles s'inscrivent toutes dans leur parcours et leur processus personnel, ésotérique en quelque sorte, faisant corps avec l'ensemble de leur poétique. Leur style n'est pas obligatoirement la quête première et il surprend d'autant plus lorsqu'il s'affirme, jaillissant, évident soudain pour le public qui reconnaît et redécouvre toujours son auteur, en recherche d'une oeuvre, d'un ouvrage, dans le futur de sa trace, partitionnant sa propre réalité.



Avec 4 films à peine Pascale Servoz-Gavin signe déjà les tableaux animés d'une éblouissante beauté. Chacun d'une facture complexe et impliquée, tel que le sens d'un montage raisonné serait difficilement avouable, il nous emporte dans une danse pour la gloire, c'est à dire pour rien au monde saisissable et pourtant aussi proche que pourrait nous être un ami. A travers des performances d'artistes, comme elle, offerts au "sacrifice d'un dieu sans visage", lui soumettant toute leur animalité et toutes leurs pulsions géométriques, l'auteur retire du tamis le plus vital, tisse le plus précieux et le plus décousu, méditant plusieurs mois sur chaque fragment, portant aux nues maladresse, incongruité.


Jeune comédienne virtuose, programmatrice de vidéos expérimentales au Louvre, régisseur chez Gaspard Noé puis graveuse et ingénieur lumière, elle aura su multiplier ses expériences sans jamais s'y arrêter et en retirer une entière désinvolture dédiée au plus fragile : la jeunesse, la rue, la danse... Avec "Daydream", "Animalite", "Tango dans l'eau", "Ozland", 4 films à peine, Pascale Servoz-Gavin nous livre déjà les clés d'un orfèvre trismégiste qui n'aurait ni serrure, ni porte à nous proposer, et qui pourtant s'appliquerait à nous envoûter par la bascule de ses pièces encodées, à nous emmener dans quelque paradis retrouvé par leur utilisation incompréhensible.

Sylvain Pack

lundi 5 janvier 2009

La police du monde libre à Gaza.



Vaut mieux le capitalisme que la dictature vous diront de nombreuses victimes torturées par des régimes fascisants en tout genre.
Cet argument même ne tiendrait aucunement pour justifier l'offensive guerrière réalisée par l'armée d'Israël dans la bande de Gaza. "Le monde libre", ce monde bien-pensant qui est sensé nous représenter n'agit qu'après, faiblement, comme complice et conscient de cet irréparable. Seul le peuple s'agite et manifeste sa colère. Loin derrière eux les hommes du monde libre regardent avec peine le drame mais peut-être se sentent-ils enfin soulagés, laissant se faire la punition qui servirait enfin d'exemple à l'Islam, ce monde religieux. Les hommes d'influences sont tous responsables face à l'impunité du crime et face à sa prévision. Ils consentent, malgré eux pour certains, à cette idée de correction et signent là une erreur historique et humaine. Comment les palestiniens pourront-ils pardonner le crime aveugle et horrifique fait dans l'optique de les écraser et de les détruire ?

Sylvain Pack

dimanche 4 janvier 2009

Le théâtre comme exercice de contre-pouvoir.


Le théâtre, le lieu-dit du théâtre est un espace de formulation et de communication tout à fait particulier. Descendant des amphithéâtres et des roulottes, il porte encore en lui les paroles d'êtres extrêmement divers et singuliers, poètes bien sûr, tragédiens, révoltés, anarchistes, moqueurs, comiques et autres cyniques. Je n'irai pas jusqu'à dire que tous les écrivains ou metteurs en scène de théâtre étaient des héros de la contestation mais il va sans dire que l'histoire des arts a plus retenu les intrépides et les rebelles que les valets de l'ordre établi. On peut imaginer à cela bien des raisons.

theatre resistance
Le théâtre tel qu'il s'est développé et qu'il a voulu être préservé à grande peine, est un art non sectaire. Plusieurs castes sociales peuvent y assister de manière séparée ou confondue mais le théâtre ne privilège apparemment aucune d'entre elles. Le choix du langage ne créé là aucune séparation car le spectacle, la mise en mouvement et le décor, nous réunit sous un même enchantement, sous un même charme. La poésie la plus hermétique peut totalement cacher son sens à la majorité de ses spectateurs mais elle peut en réunir le plus grand nombre par sa musicalité. Ainsi et un peu différemment ai-je pu être fasciné par les dialogues entre Pier Paolo Pasolini et les représentants de couches populaires minorées dans son reportage "Comizi d'amore". A aucun moment Pier Paolo Pasolini n'a besoin de simuler un autre langage que le sien, c'est à dire une langue complexe et redoutable, nourrie de philosophie contemporaine et de sciences humaines pour rentrer dans un contact intime avec ses interlocuteurs. Que le poète Ungaretti, très âgé et encore taquin sur une chaise de plage, lui réponde avec tendresse sur les aléas de sa vie sexuelle, ou que de jeunes calabraises puissent confier à la caméra leur manque d'autonomie affective dans une région reculée et machiste, on ne distingue chez l'auteur aucune démagogie langagière, aucune préférence quant à l'importance de la parole.


pasolini


De la même manière le théâtre étend son spectre autant vers les gens de condition précaire que vers la bourgeoisie, autant vers la tyrannie que ses esclaves. Vous viennent alors en tête, des auteurs phares ou groupes qui, chacun dans leur parcours unique se sont passionnés pour cette contradiction, voire ces batailles, Shakespeare, le Living Theater, Molière, Bertolt Brecht, Samuel Beckett, Garcia Lorca... Les premières polémiques du festival d'Avignon n'y étaient pas étrangères. En effet là où les pièces de répertoire s'installaient dans de confortables acquis, Jean Vilar ne voulait plus être. Et c'est surtout dans cette réaction politique, liée donc aux affaires de la cité, qu'il a voulu remettre le théâtre en jeu, face à son public d'origine (un public hétéroclite), dans des espaces plus exposés, plus extérieurs. Que de nombreux auteurs contemporains ne l'aient pas suivi est plutôt dommage mais ils n'ont en rien empêché le développement international de ce projet hors-norme. Il y avait surtout là le signe persistant d'un doute quant à l'autorité du pouvoir et Jean Vilar n'hésitait pas à insister sur ce point à chacun de ses interviews.
Ce rappel de sens a grandement influencé les arts vivants européens et il est aujourd'hui évident qu'on trouve à cet endroit de confluences d'héritages une véritable confusion. Les uns en retiennent le pluri-disciplinaire, l'art contextuel, les autres un théâtre indépendant et populaire. Les structures nationales et les institutions sont à l'affût du choc et du sensationnel. Bref l'affaire de fond, enfin celle qui m'intéresse ici, s'est partiellement disloquée. Alors qu'entend-on par contre-pouvoir ?

Contre le pouvoir, qui abuse de son autorité et qui met à genoux ceux qu'il matte, il y a bien des réactions et des révolutions. La révolte est rarement univoque. Sans doute l'énergie du contre-pouvoir est à rechercher dans la revendication de l'être pluriel, dans la possibilité d'être différent et de se comporter différemment. Cette hétérogénéité est justement la marque du théâtre. Si le pouvoir est souvent pyramidal, le théâtre est plutôt anarchique. Tantôt, basse-cour ouverte et sans siège où tout public se mêle, tantôt paradis réactif et piailleur, cellules de privilèges pensant, tantôt miroir exact et dangereux, tantôt vraie démocratie ou forum public... le théâtre ne se laisse jamais prendre par la définition. La preuve encore aujourd'hui où la majorité des salles est redessinée par l'afflux des spectacles trans-genres où l'espace du public est décidé en fonction de la proposition scénique. Et dans la perspective de cette souplesse de mise en scène, de débordement vers le spectateur se rejoue l'origine sémantique du théâtre. Ce mot est encore et toujours questionné puisqu'il s'agit originellement de l'espace où se situe le spectateur; d'où il peut évoluer, d'où ses divergences de compréhension et d'acceptation fondent sa propre société. Si l'abus de pouvoir est majoritairement l'effet d'un petit groupe et d'un seul despote, le théâtre est décidément, comme son envers, le lieu de sa contestation.



Sylvain Pack

jeudi 1 janvier 2009

Mascarade de voeux.




J'avais jusque là dans l'idée de me retenir, d'être indirect, de chercher avec d'autres figures, de penser des futurs, des perspectives mais malheureusement pour moi, je suis tombé sur les voeux présidentiels de 2009 que j'ai heureusement coupé en cours de visionnage... Il est maintenant très difficile de savoir où s'arrête notre niveau d'acceptation personnelle en terme d'information médiatique et de pollution visuelle.

Suite à ces quelques minutes de manipulation et à ce dernier siècle qui a vu partout se développer les systèmes les plus perfectionnés en matière de propagande, nous pouvons très clairement relever les signes effrayants de l'ironie et du mensonge dans le discours du chef de l'état français, Nicolas Sarkozy. Que le président ait écrit ou non ce texte est déjà un premier triste doute. Que sa construction et sa rédaction soit emplie d'erreurs de vocabulaire est autrement plus grave. Je précise aussi rapidement ce que j'entends par vocabulaire. Utiliser le mot "vérité" à la place d'"idée" ou d'"opinion" est une erreur de vocabulaire dont les conséquences sont bien plus dramatiques que des oublis de liaison ou de méconnaissances syntaxiques. En effet, Nicolas Sarkozy semble à plusieurs reprises nous faire entendre qu'il nous a dit la vérité. Comment ne pas douter de son insistance langagière lorsqu'on réalise qu'il est entrain de lire un prompteur comme un robot et que cette exercice d'interprétation commence à l'ennuyer ? Le mauvais acteur qu'il devient tente alors quelques changements de ton et de rythme faisant sombrer le contenu de sa fragile diatribe dans un fabliau moraliste pour enfants récalcitrants.
En gros, participons à "l'effort de guerre"! Les 26 milliards d'euros venus d'une planète inconnue ne suffiront pas à rendre toutes les nouvelles banques heureuses. Au travail, tous ensemble! M. Nicolas Sarkozy a réussi, lui, et c'est ce qui nous invite à faire: comme lui. S'engager sur tous les fronts, redonner une image de la France entrepreneuse et influente. Voilà le signe déplorable de l'action politique que cet homme mène depuis le début de sa carrière : son obsession de l'image et de l'apparence. Pourquoi les français ne s'en sont-ils pas rendus compte plus tôt ? Etions-nous tous déjà trop vieux, inaptes à entrevoir la modernité des techniques manipulatoires ?

Nicolas Sarkozy mène sa carrière et ses intérêts en vertu de l'audimat et de la séduction. C'était déjà sa plus vive passion. Obsédé de télévision, contrit de complexes et de frustrations, il n'avait plus qu'à se venger du regard qu'on portait sur lui. Car voilà enfin l'idée simple et évidente que je vous soumets par le biais de cette réaction critique. Cette pathologie n'est-elle pas, plus encore qu'autrefois, fulgurante et dévastatrice ?
Mais il faut, avant un quelconque consentement, vous exposer les effets de ce Mal. Quant aux origines, elles demanderaient je pense une plus longue analyse. Avoir peur du regard des autres, ce trouble récurrent de notre fin de civilisation, serait en effet complexe à délier sur une aussi vaste période que représentent les fondements de l'empire occidental mais il pourrait être fort judicieux d'ouvrir ce dossier "psycho-logique" à la lueur de l'histoire de l'art et des images puis inévitablement celle de la politique.



La peur du regard des autres entraîne le travestissement et la représentation. Celles-ci peuvent être les sources d'intenses plaisirs et de nombreuses productions artistiques. Mais l'art et la politique ne font pas toujours bon ménage, surtout lorsqu'ils ignorent l'un de l'autre les motivations les plus enfouies en leurs sujets. Notre histoire récente auraient préféré qu'Hitler reste peintre. Quant à moi, je connais quelques artistes qui ont la sagesse de ne pas s'immiscer dans le terrain de la politique, se doutant du danger qu'il pourrait faire courir à leur voisin. Autant l'artiste que l'homme politique gagne à travailler sur lui, sur ce qu'il est pour lui-même. Il peut comprendre alors que le psychisme se nourrit d'interactions entre bien-être social et épanouissement de l'expression des facultés individuelles.

Vouloir être n'est pas être. Chercher à incarner une figure historique ou une personnalité brillante et valeureuse est le cheminement pénible que Nicolas Sarkozy aurait dû nous éviter, surtout lorsque l'on représente une population et que l'on se retrouve face à un aussi grand désaveu social.

Sylvain Pack