jeudi 12 mars 2009

Pour Tante Hortense et l'air qui l'inspire.

tante hortense

A Marseille, c'est un nom qui fait son chemin, entre les espaces verts invisibles et les ruelles d'un port souvenu. On peut saisir sa chance si l'air qu'il siffle traîne chez des amis. Il suffit de vous en rappeler et de le recroiser par hasard. Il vous invitera peut-être à l'entendre de plus près dans une maison construite en haut d'un immeuble. Il vous sourira sans vous connaître et vous le répètera un peu plus tard, au cours d'une chanson, qu'il aime cela, sourire aux gens, trouver de l'amour dans les yeux de tout un chacun, lui sans doute parvenu à cet honorable statut qu'est le pauvre type.

De pauvres types, il en est de bien vénérables, atteignant à force de secousses et de renoncements, d'acceptations et de lenteurs, une présence au monde tout à fait identifiable. Celle fragile ou dangereuse des êtres qui veulent expérimenter pleinement l'espace et le temps qui les environnent, les relations qui s'y tissent et s'y défont, au risque de s'abîmer, d'être incompris dans cette passion, de se retrouver seul dans cet abandon personnel. Tante Hortense semble inviter à ce temps, choisissant ses mots hors de la maison, les enroulant dans le collier des chansons qu'il défile depuis dix ans. Maintenant qu'il n'est pas bien connu, qu'on lui organise des concerts et qu'on l'entoure de plantes, de fleurs, à la façon dont on fêtait le vernissage des tableaux d'Edouard Manet, qu'on lui ramène des abats-jours décorés en guise d'éclairage de scène, sa voix se jette à l'envers de la mode, dans le silence d'un public détendu, respirant le même air, partageant boissons, sucre et chocolats. Sa main dans une cuica, sur un tambourin, il nous réunit par des paroles sur les routes d'émotions immenses et libres puis il laisse envahir son chant de notre écoute et de nos rires et se déploie dans quelques transes ou quelques farces, va savoir... Nous vivons des moments adorables avec Tante Hortense et ses amis. Il n'est pas question de les oublier dans des rues réelles et désolées de cités bien plus cyniques que leurs provocations joyeusement distillées dans ces sambas libertaires; recommandables par exemple à ceux qui ne reconnaissent plus d'authenticité, ni de marginalité à la chanson française.

"Les disques Bien" sont la suite logique et profanatrice de ces énergies singluières (Tante Hortense et ses amis, Flop, Eddy Godeberge, Mjo, Etienne Jaumet...). Leur label cohérent remonte les bretelles d'une industrie musicale rongée par la publicité et le gain en démontrant des différences toutes relatives et cependant essentielles : - l'autonomie de ses artistes - la tranquilité de ses artistes - l'art de ses artistes.


"Je ne veux pas d'un avenir, je veux un présent." Robert Walser


Sylvain Pack


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