lundi 1 décembre 2008

Prison pour les enfants, une leçon d'incivilité.


Il y a beaucoup de choses à dire d’une société qui décide d’élaborer un système pénal pour des êtres humains âgés de 12 ans.

Comment commencer alors que je n’ai qu’une connaissance instinctive de la justice ou de l’histoire des mœurs ?… Voilà tant d’années que nos plus grands penseurs décrivent ce processus d’auto-censure, de castrations, de paranoïa sécuritaire dans lequel nous sommes aujourd’hui pleinement embarqués. La somme critique et analytique est considérable, chez Foucault, Debord, Chomsky pour ne citer que les plus influents.

Penser qu’un enfant, puisqu’à 12 ans l’être biologique est un enfant (son expérience de la vie reste de douze années), doit être enfermé pour empêcher de nuire est non seulement une mesure irresponsable sur sa progéniture, mais surtout une menace sur son futur développement. Avoir peur de sa jeunesse, vouloir la dominer est déjà la preuve de l’échec de ses aînés. Il n’y a évidemment pas à discuter de la manière plus ou moins thérapeutique avec laquelle sera fait ce nouveau traitement, le but reste le même, déguisé sous de multiples décisions moralistes et nécessaires à notre bien-être : optimiser les moyens de contrôle exercés sur la population. Notre président actuel, un acteur tout aussi et différemment vulgaire que d’autres pantins européens à la solde de l’économie planétaire, pourrait être un agent de la CIA ou un socialiste convaincu de sa mission d’égalité des chances qu’il restera toujours coupable aux yeux de l’histoire et de son peuple d’accéder à un tel mépris, à une telle incompréhension envers ce qui caractérise la délinquance juvénile.



Je peux reprendre ce que je transmettais à mes élèves de lycée technique et ce que je retraduirai différemment aux enfants délinquants de foyers dont je veille les nuits. Le travail de la mémoire est un baume d’une grande douceur qui nous cache la cause de nos blessures les plus profondes. Il reste cependant de cette opération magique des récurrences les plus désastreuses au niveau social et affectif. On appelle cela des névroses, des obsessions, toutes majoritairement résultantes de traumatismes que nous avons eu à subir ou que nous avons fait subir. A ce niveau, nous sommes en total inégalité et tant que les hommes de pouvoir ne décideront pas d’un effort d’entraide et de partage des chances, la violence restera endémique. Il ne s'agit pas ici d'abonder aux thèses de la violence fondamentale de l'homme et sa nécessité de trouver un bouc émissaire pour protéger son désir d'équilibre social (immigrés clandestins, déficiants psychiatriques...) mais de pointer l'incompréhension des gens de pouvoir à l'égard de l'inégalité humaine. L'égalité est une fiction républicaine. Une valeur utopique qu'on a considéré comme quelque chose d'acquis alors qu'elle demandait tous les soins sociaux, toutes les bienveillances et toute la rigueur du politique. Que dit-on aux élèves de l'éducation nationale ?... qu'ils peuvent tous y arriver. Oui et heureusement. Qu'ils soient tous égaux est une fable odieuse, entretenue avec religiosité et bonne conscience. L'homme de pouvoir en fait sa couverture, dispersé par ses voyages, ses vacances et ses biens.

Dépister les signes avant coureur de violence chez l'enfant et vouloir déjà l'en prémunir est la suite méthodologique et terrorisante, la préparation d'une guerre indélébile envers la jeunesse, un infanticide de masse déguisé. Rien d'exagéré à mon propos lorsque, hors de tout contexte, on a la triste opportunité d'observer le processus de destruction humaine qu'entraîne l'enfermement chez ses deux protagonistes, la victime et son bourreau.

Sylvain Pack

2 commentaires:

  1. Sylvain,
    je penses que sur ce coup là tu tapes très juste et que tu soulèves des points extrêmement intéressants notamment sur la notion d'égalité.
    Je reprendrais pour illustrer ton propos une phrase de Coluche : "On nait égaux, c'est après que ça se gâte"
    On a d'un côté une politique qui soit disant prône l'égalité et de l'autre un système de compétition. Cela me semble parfaitement incompatible mais notre système schizophrénique l'accepte béatement.
    Nous ne serons jamais égaux cela est inscrit dans nos gènes et tant mieux, parce que ce sont nos différences qui font notre force.
    Cela va forcément à l'encontre de ceux qui aimerait que nos envies soient lisse afin de nous vendre la même merde à tous. Ceux qui aimerait que dès trois ans un bébé ne puissent être différents des autres. Ceux qui aimerait que dès 12 ans on ne puissent puissamment ressentir une révolte.

    Luttons pour nos différences, luttons pour accepter les différences des autres.

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  2. Cher Pipotron,

    Il y a effectivement comme un larsen quand on rapproche compétition et égalité des chances. Cela ouvre une piste à explorer, à présenter, à dénoncer peut-être au sens où Artaud se servait de ce mot, comme pour préfigurer ce qui est en marche dans cet effet de boucle soudaine, s'amplifiant jusqu'à atteindre les limites du matériel utilisé (wikipedia)...

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