jeudi 11 décembre 2008

Pour Etienne Farret, micro et macro-vie.

Il y a dans l'oeuvre d'Etienne Farret et pour ceux qui ont eu l'opportunité de la rencontrer une telle radicalité d'engagement d'auteur qu'elle peut laisser un souvenir violent et insistant. Quelques mots sur son travail circulent sur la toile, peu de photos, plus aucune exposition. Qu'est devenu cet artiste ? Qui montre son travail ?



Soit, l'un de ses axes de recherche consistait déjà en une investigation secrète et personnelle, l'art comme un domaine du réel et de l'imaginaire confondu à explorer non pas dans la démonstration, ni dans l'exposition de ce cheminement mais dans l'expérience vivante, entière. Dialogue avec les ancêtres, visite à la Peur, l'artiste enfant vole et joue plus que sérieusement. Sa première et dernière exposition aurait dû se dérouler, selon son désir, sur Le causse Méjean, info line pour invités choisis : des sculptures enterrées dans un chaos granitique. Une seule exposition hermétique, intimiste et sectaire. Le travail d'Etienne Farret est tout sauf politiquement correct. En attendant le grand air post-apocalyptique, il réalise deux "grottes" dans lesquels il convie quelques artistes de la scène techno parisienne, et d'autres curieux de l'underground niçois. Il fait frémir le corps professoral de la Villa Arson et les renvoie à leur incompréhension en filant montrer son oeuvre déjà très avancé au Canada. A ce moment il clôt un cycle d'une recherche de 10 ans intitulée "Bosnia", figurines customisées, images et installations micro-machines ainsi qu'une immense somme calligraphique et poétique puisant autant dans le gansta-rap, l'héroïc-fantasy que le proto-langage.



Comme l'argile et les émaux pour les céramistes, les jouets et les fournitures de bureau font la matière du sculpteur. La violence survient aussi rapidement que cela. Etienne Farret voit que la majorité de sa matière induit la guerre et la sexualité. Tous les jouets font de nous d'évidents futurs consommateurs, consommateurs de plaisir et de vengeance. Terreaux parfaits des grands seigneurs de notre monde. Là, Etienne Farret dépasse l'évidente critique de notre époque et la restitue dans une atemporalité mythique. Ne voyant aucun changement mais que les réminiscences de notre création, il modèle scènes et postures archétypales dans une sauvagerie et une déliquescence propre à tous les scénarios cyber-punk : la figure d'un veilleur enfoui sous des tas d'armes et de poubelles, un centaure dans un costume de l'armée nazie, un passeur dans une piscine de boue, des débris de droïdes femelles dans un vaisseau en ruine... Ces agencements fragiles sont l'aboutissement de plusieurs interventions et transformations, utilisation du tippex, de la laque, du feutre, du scotch... plusieurs éléments qu'il met à l'épreuve du climat, terre, pluie, soleil, dans la recherche de différentes patines. Processus qu'il emploie aussi en dessin, en vidéo et en photographie.

Aussi précises et moins prolixes, ses interventions s'accordent et se condensent maintenant. A mettre aux côtés de Michel Blazy ou Céleste Boursier-Mougenot, incluant le végétal ou l'animal à ses procédés sculpturaux, Etienne Farret voit des "paysages préparés" s'entretenir et se modifier au rythme d'un temps précieux, tombant et stable, à la lumière de son atelier mais toujours à l'ombre du public.

Sylvain Pack

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