jeudi 30 octobre 2008

Hyper état super raciste !

Comment vais-je pouvoir parler de ce qui m'étouffe depuis tant d'années ? Comment écrire sans militer, sans user de poncifs, sans épouser naïvement une cause pour finalement la desservir sont quelques questions qui donnent le ton du doute, de l'hésitation, fondement de ma langue, de l'endroit d'où je parle.

Ceci pourtant me donnera la possibilité de proposer de la pensée: une des directions de ce blog.
Un service, un outil au mieux.

Plus souvent sans doute cela pourra être, comme des réactions, un cahier des charges personnelle, circonstanciant des actualités médiatiques et artistiques.

Hyper état super raciste ! est le titre rapide et dénonciateur que j'utilise aujourd'hui pour formuler l'habitude d'intolérance et de méfiance dans laquelle m'a plongé ma société et sa politique. Il va me falloir pour cela retrouver les raisons de l'écoeurement que j'ai ressenti il y a quelques temps à l'écoute de la radio sur la route de mon travail actuel : enseignant d'un lycée technique en remplacement.
Pour cela, commençons par analyser mon propre racisme. Ma propre crainte à l'égard d'une peau différente de la mienne, d'expressions ou de langage dont les origines géographiques sont différentes des miennes. Je réutilise alors un texte que j'ai écrit il y a une dizaine d'années dans un essai appelé "Amour, gloire et beauté", "situant cela dans un problème de territoire, sujet si cher, sujet qui coûte tant aux états, je suis victime de ma peur.

J’ai eu si peur de la différence…

Notre peur de la différence nous noue le ventre puis, passant par les nerfs, elle s’empare du cerveau et se nourrit de notre esprit, l’outil du dessin. On pourrait dire qu’elle fonctionne en noir et blanc. Si le blanc a peur du noir, c’est parce qu’il en est l’opposé. Mais il faut constater que récemment le noir a plus eu à subir les méfaits du blanc que le blanc n’a eu à se tâcher de noir. Le noir a donc de quoi sentir son sang chaud. Il y a une histoire de rouge là-dessous et je m’empresse à ce propos de citer les paroles d’un sordide assassin, extrait d’un film en noir et blanc: « La première chose qui te saute aux yeux ? Les briques. C’est des briques rouges et le rouge c’est la couleur de quoi ? Le rouge, c’est la couleur du sang ! Le rouge, c’est la couleur des indiens ! C’est la couleur de la violence ! ! ! Hein ? Alors que le fléau de notre société, et tout le monde s’accorde à le dire, c’est la violence, ils vont te foutre des briques rouges ! Mais le rouge c’est aussi la couleur du vin mon vieux. Vin ! Qui dit vin, dit peau de vin parce que tout ça c’est magouille et compagnie, c’est politico je ne sais pas tout quoi mais tu vois c’est des histoires de fric. »


Si le rouge se fait savoir aussi impulsivement, c’est qu’il vous propose son existence soudainement, en s’imposant comme une valeur fuyante. Cette imposition symbolique dépend totalement de son rapport à la température. Beaucoup de personnes de ma connaissance cherchent la chaleur, courir après le feu par exemple ou après l’argent, qui, lui se revêt plutôt de transparence. D’autres cherchent parfois à éteindre leur feu en recourant à l’eau. Et quand le rouge leur monte à la tête et qu’ils craignent de se transformer en gyrophare, ils filent ; ça leur arrive de filer à l’anglaise, comme une crème, glisser sous la porte, atteindre l’évier et vite tourner le robinet bleu afin d’en extraire un liquide rafraîchissant, afin de mettre un terme à cet embarras.

Le bleu accorde donc sa tempérance à la rougeur qui l’appelle.

Le bleu, le blanc, le rouge, le noir. Nous avons là les trois couleurs de la nation française ; plus une, qui, quoique soutenue par nos penseurs des plus libertaires, ne s’est jamais vu invité à figurer sur l’étendard cultuel de notre pays mais l’idée de nation est si jeune (...)"



Au regard de ce témoignage tout en instinct et en lignes de fuite, je serais tenter de rajouter quelques contextes dans lequel se joue cette colère. Mon environnement scolaire et géographique ne m'a pas empêché de fréquenter des personnes de couleur différente mais elle ne me l'a pas permis, à l'exception de femmes de ménage, de concierges, de balayeurs ou de gardiens. Ceci est un facteur de conditionnement face à une autre race: ces métiers nécessitent des compétences physiques liées à des notions de propreté, de surveillance et de territoire. Ce sont des métiers de présence et d'invisibilité à la fois. Nous les voyons à l'oeuvre régulièrement, nous pouvons même admirer l'endurance qu'ils nécessitent mais nous pouvons aussi naturellement les oublier car ils font partie d'un commun visuel et journalier.

Faire taire aujourd'hui le sentiment de repentance face au colonialisme est un acte erroné à plus d'un titre. Non seulement il efface ce que nous n'avons jamais appris à connaître, l'Histoire des colonies occidentales, mais il continue par ailleurs à dissimuler toutes les habitudes post-coloniales qu'ont pris ces derniers pays. Nous avons pris l'habitude d'une vassalisation des races. Les causes séculaires, aujourd'hui de plus en plus étudiées, liées aux invasions et à l'esclavage nous ont solidement amarrées à des classes dont le pouvoir psychologique est immense. "L'enemi est partout" comme le travailleur immigré présent, en subordonné, mais s'en retournant chez lui le soir dans un lieu inconnu de nous. Il n'est pas notre voisin. Aurions nous pu avoir avec lui une relation d'empathie ou de courtoisie, nous n'aurions pas eu plus de temps à lui consacrer. Notre activité professionnelle ne nous a pas permis de connaître cette altérité. Que dire alors de sa culture ? On peut fort imaginé que les origines culturelles sont plus souvent entretenues dans l'intimité ou par une communauté. Il n'est donc pas du tout envisageable de découvrir et comprendre une culture et par conséquence ses coutumes et ses moeurs, si l'on ne demeure pas dans sa proximité.

Sylvain Pack

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