Il y a autour du travail de ce metteur en scène et ancien plasticien, un consensus mondain consistant à accepter d'emblée l'infondé du message produit ou l'absence même de pensée personnelle par le seul fait de sa maîtrise scénique, fait discutable en de nombreux spectacles proposés. Il n'y a par contre aucunement à douter de l'efficacité de son équipe de communication et de ses alliés à de hauts postes culturels. Les images des spectacles peuvent effectivement susciter l'appétit des voyeurs contemporains que nous sommes devenus. Un bébé abandonné, sanglotant sur le sol froid d'une grande architecture mussolinienne. Un obèse grimé, des femmes anorexiques hurlantes, un homme ensanglanté soutenu par la police... quelques clichés très léchés par la lumière et le vide environnant, révélateurs bien propres d'une époque en détresse.
On pourrait commencer ici à reprocher à Castellucci son esthétisation de la douleur mais il s'agit franchement et ce, depuis les premières crucifixions, d'une vieille guerre inutile, des piétas italiennes jusqu'aux affamés de Sebastiao Salgado. Chaque artiste est en droit de dessiner sa stylistique, jusqu'à outrance, jusqu'au rococco ou au trash, s'il parvient à se laisser conduire jusqu'à ses penchants les plus intimes. Et c'est là que je commence à douter du travail expérimental de Romeo Castellucci, d'autant plus que les résultats scéniques semblent s'apparenter à de nombreuses images vues ailleurs mais, souvent, si appauvries par leur spectacularité, qu'elles me renvoient immédiatement au contexte de leur pillage. Plus triste encore quand j'apprends que l'escaladeur, Antoine Le Menestrel, grimpant le palais des papes à main nu et promettant ainsi dès le début de l'Inferno présenté au festival d'Avignon 2008, une performance simple et unique (qui se serait passé aisément de tout le reste du spectacle), est un artiste lui-même qui escalade des monuments. Son action utilisé ici, comme la plupart des scènettes qui vont se suivre, souffrent ainsi de rapprochements douteux. Les chiens agressifs // Oleg Kulik, artiste phare entièrement engagé dans son rapport à l'animalité et dont les oeuvres viennent d'être censurées à la Fiac de Paris 2008. L'utilisation si pathétique d'un morceau d'Arvo Pärt déjà, maintes fois, acheté par le cinéma et la télévision. La consternante appropriation des accidents d'Andy Warhol. Le rite sacral et ridicule des morts tombant en croix... bref une panoplie bêtifiante d'un enfer mou et coloré, réitéré par des clins d'oeil référentiels sans recul et peut-être pire encore, sans aucune autorisation ou citation.
A ce stade, c'est évident, Romeo Castellucci est un naufrageur d'artistes vivants et morts. Il n'y a qu'à lire ses plaquettes pour réaliser à quel point l'artiste se noie de références écrites qui n'ont aucun lien avec la matière de ce qu'il propose. Je n 'ai pas connu de spectacle plus brillant et plus artificiel, sans aucun fond si ce n'est celui du seul vouloir nous en mettre plein la vue. Ce spectacle aurait terrorisé Guy Debord. Y aurait-il vu l'accomplissement et le règne du divertissement culturel... et aurait-il pu même être rassuré par l'accueil insensible d'un public de 2000 personnes ? Les journalistes eux ne se sont pas dégonflés. Entièrement complices des programmateurs, ils se sont rués pour crier au génie en s'appuyant sur le mensonge éhonté d'un enthousiasme unanime des spectateurs.
Voilà donc Romeo Castellucci hissé au sommet de la modernité et de la provocation, comme son ami Jan Fabre il y a deux ans et qui le lui a bien rendu, avec une constellation de clichés religieux et moralistes. Voilà donc venu ce temps d'idolâtres obscurantistes pris pour des iconoclastes !
Sylvain Pack
On pourrait commencer ici à reprocher à Castellucci son esthétisation de la douleur mais il s'agit franchement et ce, depuis les premières crucifixions, d'une vieille guerre inutile, des piétas italiennes jusqu'aux affamés de Sebastiao Salgado. Chaque artiste est en droit de dessiner sa stylistique, jusqu'à outrance, jusqu'au rococco ou au trash, s'il parvient à se laisser conduire jusqu'à ses penchants les plus intimes. Et c'est là que je commence à douter du travail expérimental de Romeo Castellucci, d'autant plus que les résultats scéniques semblent s'apparenter à de nombreuses images vues ailleurs mais, souvent, si appauvries par leur spectacularité, qu'elles me renvoient immédiatement au contexte de leur pillage. Plus triste encore quand j'apprends que l'escaladeur, Antoine Le Menestrel, grimpant le palais des papes à main nu et promettant ainsi dès le début de l'Inferno présenté au festival d'Avignon 2008, une performance simple et unique (qui se serait passé aisément de tout le reste du spectacle), est un artiste lui-même qui escalade des monuments. Son action utilisé ici, comme la plupart des scènettes qui vont se suivre, souffrent ainsi de rapprochements douteux. Les chiens agressifs // Oleg Kulik, artiste phare entièrement engagé dans son rapport à l'animalité et dont les oeuvres viennent d'être censurées à la Fiac de Paris 2008. L'utilisation si pathétique d'un morceau d'Arvo Pärt déjà, maintes fois, acheté par le cinéma et la télévision. La consternante appropriation des accidents d'Andy Warhol. Le rite sacral et ridicule des morts tombant en croix... bref une panoplie bêtifiante d'un enfer mou et coloré, réitéré par des clins d'oeil référentiels sans recul et peut-être pire encore, sans aucune autorisation ou citation.
A ce stade, c'est évident, Romeo Castellucci est un naufrageur d'artistes vivants et morts. Il n'y a qu'à lire ses plaquettes pour réaliser à quel point l'artiste se noie de références écrites qui n'ont aucun lien avec la matière de ce qu'il propose. Je n 'ai pas connu de spectacle plus brillant et plus artificiel, sans aucun fond si ce n'est celui du seul vouloir nous en mettre plein la vue. Ce spectacle aurait terrorisé Guy Debord. Y aurait-il vu l'accomplissement et le règne du divertissement culturel... et aurait-il pu même être rassuré par l'accueil insensible d'un public de 2000 personnes ? Les journalistes eux ne se sont pas dégonflés. Entièrement complices des programmateurs, ils se sont rués pour crier au génie en s'appuyant sur le mensonge éhonté d'un enthousiasme unanime des spectateurs.
Voilà donc Romeo Castellucci hissé au sommet de la modernité et de la provocation, comme son ami Jan Fabre il y a deux ans et qui le lui a bien rendu, avec une constellation de clichés religieux et moralistes. Voilà donc venu ce temps d'idolâtres obscurantistes pris pour des iconoclastes !
Sylvain Pack
Vous aviez laissé un commentaire sur mon blog suite à "Inferno" présenté au Festival d'Avignon (http://www.festivalier.net/article-21220316-6.html#anchorComment).
RépondreSupprimerVotre article est excellent car vous démontrez avec justesse la démarche de cet artiste qui compte un peu trop sur la cupidité d'un public affamé d'images sensationnelles.
Pascal Bély
Je crois que vous devez lire La divine Comédie de Dante Alighieri, et Le Théâtre postdramatique de Hans-Thies Lehmann, avant d'écrire des anneries sur un domaine dont votre écrit montre que vous n'en avez aucune connaissance.
RépondreSupprimerCe n'est certainement pas ce spectacle qui m'aura donné envie de devenir un expert de Dante; car c'est un spectacle n'est-ce pas ? Autrement dit l'objet qui nous est présenté n'est ni une adaptation du livre théorique que vous me conseillez, encore moins l'interprétation textuelle de L'enfer. Si on en reste au conseil, avez-vous lu le merveilleux livre d'Apulée concernant de passionnantes âneries et de profondes métamorphoses.
RépondreSupprimer"Je jette ma langue aux chiens" par exemple est de Baudelaire (1ere image de Four seasons). Les critiques de théâtre ne décryptent pas les images, se contentant bien souvent de décrire ce qu'ils voient et de nous dire ce qu'ils ont ressenti. Dans d'autres champs de la pensée le propos d'un tel artiste serait discuté. On nous dit "huit femmes portant des sabots et des tabliers disent un poème de Hölderlin". Mais ces sabots ne sont-ils pas heideggeriens ...D'un autre côté les philosophes ne croient qu'au texte. Il y a donc un champ laissé libre et quelqu'un comme Castellucci l'occupe. Cela doit lui sembler facile car de profondes réfutations, liées à sa dramaturgie, ne lui sont jamais apportées, à nous non plus.
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