mercredi 17 décembre 2008

Pour Gianni Motti, Francis Alÿs et Santiago Sierra même.

3 artistes que je distingue depuis plusieurs années pour une première raison : la possibilité de connaître leur pratique artistique sans la nécessité de la voir et donc l'extraordinaire vitalité et pluralité dont elle se dote au moment de sa transmission.

Performances, actions, interventions sont les moyens d'expression que ces artistes peuvent utiliser et étirer jusque, parfois et par exemple, des sculptures abstraites, des drames sociaux ou encore jusqu'à des conséquences politiques réelles. Aussi je crois qu'il n'y a pas vraiment de limite en ce qui concerne la définition de ces activités ou plutôt qu'il pourrait s'agir au contraire d'un travail de résistance de ces limites même.


8-Foot Line Tattooed on Six Remunerated People semble être une bonne introduction à ces problématiques : Que définit l'art et son milieu ? Comment les artistes s'en détachent et en ont-ils encore vraiment cure ? Cette action de l'artiste espagnol Santiago Sierra, réalisée à Mexico en 1999, consistait à proposer à six personnes la somme de 50 $ contre le tatouage d'une ligne sur le dos, qui, les unes à côté des autres, mesure 250 cm. Le titre de la pièce redéfinit et réobjectivise cette même action.
Reste le titre, la photographie, ou le témoignage, voire uniquement le scandale, ironie et réalité de la proposition, comme moyen de mémoriser l'art. Et encore... n'y-a-t-il pas aussi dans le geste de Santiago Sierra un fort doute posé sur ce qui fait art ?
Les lignes, les surfaces désertes, les carrés métalliques... bref l'engagement radical qu'avait investi l'art minimal ou l'art conceptuel sur la perception du réel et son architecture, bien vite récupéré par les préoccupations "contemplatives" de tous nos designers et autres publicitaires, ne se retrouve-t-il pas ici remis en jeu avec une telle virulence qu'il semble ne plus pouvoir supporter l'idée de l'art même ? L'art, devenu ce luxe absolu d'un occident mondialisé. L'art minimal, l'un des courants esthétiques les plus influents de notre début de siècle, devenant, ici par cette performance, un impossible cache-misère.

S'il pourrait y avoir aussi dans les gestes de Gianni Motti une forme de dépréciation de l'art ou une sorte d'indifférence à son égard, ne nous y trompons pas, il s'agit d'une urgence, d'une nécessité, peut-être même d'un cri. Le milieu de l'art est venu reconnaître les gestes de Gianni Motti et les a indentifié en tant qu'oeuvres. Mais dès que Gianni Motti s'est revendiqué en auteur des séismes survenus aux Etats-Unis par le biais des médias, il avait décidé d'agir par les voix de la communication contemporaine et savait qu'il proposerait aussi un décloisonnement de la définition de l'artiste et de ses pratiques. Cela se vérifie nettement lorsqu'il prend la place d'un représentant de l'Indonésie lors d'une conférence de l'ONU pour défendre le temps de parole et les possibilités réduites de l'expression des minorités. Il sort là complètement du champ de l'art officiel et pourtant, nous tous, êtres capables de créativité, de réactivité, pouvons y reconnaître un art de faire, pouvons nous sentir invités par cette courageuse désinvolture à nous emparer du monde réel et à en faire usage.




La définition de l'art se déplaçait déjà au XXème siècle, sous les provocations et les coups de butoir de Marcel Duchamp bien sûr, et pas qu'à cause de lui. Aujourd'hui ce gros monstre a été pulvérisé et s'est partout dissout. Commissaires et critiques peuvent bien brandir des étendards formalistes, l'art n'appartient plus aux spécialistes. Gianni Motti, comme tous les plus grands, nous donne les clés et le véhicule avec... "Un enfant peut faire la même chose" - a-t-on souvent entendu au musée, tant mieux ! Nous aussi !


Francis Alys, quant à lui, architecte de formation, s'est installé comme observateur de la ville. Pas l'une des moindre puisqu'il choisit Mexico City, sans doute la mégalopole la plus vaste et la plus violente de cette planète en ce début de XXIème siècle. Pour ce, l'un de ses premiers gestes sera de faire disparaître son statut d'artiste et de revendiquer aussitôt celui d'un citoyen du monde dans le corps d'un touriste.


Ses faits les plus reconnus ont tout de suite existé de manière oral même s'il s'est très vite attaché à la préparation ou à la prolongation de ces actions au moyen de pratiques plus répertoriables telle la peinture, l'installation ou la vidéo. Ainsi a-t-on pu vite entendre les histoires de ce flâneur provocant qui s'est baladé dans les rues de Mexico, un revolver à la main, jusqu'à ce qu'il se passe quelque chose, en l'occurrence son arrestation. D'autres errances faites, un énorme cube de glace à pousser jusqu'à ce qu'il n'en reste rien, des souliers aimants qui attirent à eux toute la micro ferraille des rues, ralentissant ainsi la silhouette filante, un pot de peinture percé dessinant au sol une fine trace qui permet autant de se perdre que de rebrousser chemin lorsqu'il n'y a plus une goutte... enfin des oeuvres collectives à peine croyables rassemblant des milliers de travailleurs, alignés, déplaçant de 100m une dune à la pelle (mouvement naturel que provoque le vent sur toute une année).

Sylvain Pack

samedi 13 décembre 2008

Contre Clint Eastwood, le juste.



Voilà assez longtemps que la respectabilité cinématographique de Clint Eastwood me confond. Chacun des films que j'ai vu de cet auteur m'ont surpris par leur conformisme et leur propreté, souvent par l'absence de leur discernement. "L'échange", son dernier film qui vient de sortir en France, remportant toujours autant d'estime et d'admiration, confirme en tout point ma répulsion quant à ce regard porté sur le monde.



Clint Eastwood traite de nouveau dans "L'échange" d'un sujet d'une grande affliction universelle, le même qui sert souvent à justifier la peine de mort : l'assassinat et la maltraitance d'enfants. Evidemment ça ne rate pas, le film se dirige lentement et sûrement vers la punition qui nous rassure, nous les spectateurs bien énervés par les images flous d'un ranch sordide et sanglant (conforme à un film d'horreur banal et effrayant): la mort par pendaison du serial-killer, un méchant débile qui mérite l'enfer comme hurle à plusieurs reprises la gentille et belle héroïne qui a subit les pires traumatismes pendant plus de deux heures.
Je ressors épuisé, chargé de tous les miasmes bien-pensants et vengeurs du cinéaste protestant. Ah oui, j'oubliais... heureusement un pasteur d'un courage sans faille, combattant toutes les irrégularités et les infractions de la police, a permis avec ses amis d'une grande loyauté et d'une grande rigidité de rétablir enfin le bon ordre. Conclusion: la fin justifie les moyens. Mais il y a un problème : en cours je suis devenu le réceptacle de la hargne (ou de la blessure) de ce monsieur Eastwood. Devenir cobaye pourquoi pas s'il y a la possibilité d'une prise de conscience mais il me faut absolument manifester contre cette dernière, quand bien même elle aurait été réfléchi : un monde coupé en deux ?... Un péché qui nous sépare, qui fonde la justice ?... Aucune compassion possible. Je lui oppose aussi vite le sublime, le rapide et cinglant "Monsieur Verdoux" de Charles Chaplin réalisé il y a 60 ans.



Criminel endurci et élégant, Monsieur Verdoux est l'objet de toutes les attentions burlesques de Charles Chaplin, de ses manières de séduire jusqu'à ses obsessions mercantiles mais surtout et aussi dans son intelligence tactique de meurtrier. A une époque où l'extraordinaire génie de Chaplin avait à combattre les foudres du maccartysme, la scène du procès final est encore à couper le souffle du tout républicain. Monsieur Verdoux, criminel français, conscient d'avoir séduit et tué une dizaine de veuves pour subvenir aux moyens de sa femme invalide, trouve à dire à sa décharge que son emploi du temps mérite effectivement une condamnation judiciaire mais que ses forfaits feraient figures d'amateurisme en comparaison de la gigantesque boucherie guerrière affichée et organisée par les états du monde non-concerté.

Il y a là pour moi une étrange pertinence face à la lourde main de Clint Eastwood, vieil ami de Charlton Heston, ancien soutien de Richard Nixon, de Ronald Reagan et de Georges Bush, considérés enfin et de plus en plus comme des criminels de guerre avérés. Tout ce que rate Clint Eastwood dans ce film, du haut de ses idées, est de s'intéresser aux différentes caractéristiques et pathologies de l'être humain. Ainsi, comme certains réalisateurs hollywoodiens, il évite sciemment de trop s'approcher du cas du serial-killer et préfère se passionner comme un voyeur morbide, pour la souffrance et le chemin de croix de ses victimes. Sujet de consentements faciles, d'opinions manipulables à satiété.

Sylvain Pack.

jeudi 11 décembre 2008

Pour Etienne Farret, micro et macro-vie.

Il y a dans l'oeuvre d'Etienne Farret et pour ceux qui ont eu l'opportunité de la rencontrer une telle radicalité d'engagement d'auteur qu'elle peut laisser un souvenir violent et insistant. Quelques mots sur son travail circulent sur la toile, peu de photos, plus aucune exposition. Qu'est devenu cet artiste ? Qui montre son travail ?



Soit, l'un de ses axes de recherche consistait déjà en une investigation secrète et personnelle, l'art comme un domaine du réel et de l'imaginaire confondu à explorer non pas dans la démonstration, ni dans l'exposition de ce cheminement mais dans l'expérience vivante, entière. Dialogue avec les ancêtres, visite à la Peur, l'artiste enfant vole et joue plus que sérieusement. Sa première et dernière exposition aurait dû se dérouler, selon son désir, sur Le causse Méjean, info line pour invités choisis : des sculptures enterrées dans un chaos granitique. Une seule exposition hermétique, intimiste et sectaire. Le travail d'Etienne Farret est tout sauf politiquement correct. En attendant le grand air post-apocalyptique, il réalise deux "grottes" dans lesquels il convie quelques artistes de la scène techno parisienne, et d'autres curieux de l'underground niçois. Il fait frémir le corps professoral de la Villa Arson et les renvoie à leur incompréhension en filant montrer son oeuvre déjà très avancé au Canada. A ce moment il clôt un cycle d'une recherche de 10 ans intitulée "Bosnia", figurines customisées, images et installations micro-machines ainsi qu'une immense somme calligraphique et poétique puisant autant dans le gansta-rap, l'héroïc-fantasy que le proto-langage.



Comme l'argile et les émaux pour les céramistes, les jouets et les fournitures de bureau font la matière du sculpteur. La violence survient aussi rapidement que cela. Etienne Farret voit que la majorité de sa matière induit la guerre et la sexualité. Tous les jouets font de nous d'évidents futurs consommateurs, consommateurs de plaisir et de vengeance. Terreaux parfaits des grands seigneurs de notre monde. Là, Etienne Farret dépasse l'évidente critique de notre époque et la restitue dans une atemporalité mythique. Ne voyant aucun changement mais que les réminiscences de notre création, il modèle scènes et postures archétypales dans une sauvagerie et une déliquescence propre à tous les scénarios cyber-punk : la figure d'un veilleur enfoui sous des tas d'armes et de poubelles, un centaure dans un costume de l'armée nazie, un passeur dans une piscine de boue, des débris de droïdes femelles dans un vaisseau en ruine... Ces agencements fragiles sont l'aboutissement de plusieurs interventions et transformations, utilisation du tippex, de la laque, du feutre, du scotch... plusieurs éléments qu'il met à l'épreuve du climat, terre, pluie, soleil, dans la recherche de différentes patines. Processus qu'il emploie aussi en dessin, en vidéo et en photographie.

Aussi précises et moins prolixes, ses interventions s'accordent et se condensent maintenant. A mettre aux côtés de Michel Blazy ou Céleste Boursier-Mougenot, incluant le végétal ou l'animal à ses procédés sculpturaux, Etienne Farret voit des "paysages préparés" s'entretenir et se modifier au rythme d'un temps précieux, tombant et stable, à la lumière de son atelier mais toujours à l'ombre du public.

Sylvain Pack

lundi 8 décembre 2008

Le legs des vieux mourants.

Dans l’effort de distance et dans la crainte d’une anticipation dictatoriale d’un état-monde, on peut imaginer un réseau d’humains ayant refusé le rêve scientifique et démiurgique de l’éternité. Une communauté pluri-ethnique et pluri-philosophique qui sait qu’elle n’a pas les moyens ou qu’elle ne veut pas retrouver son corps ou sa mémoire individuelle ressuscités dans un éventuel futur de l’humanité. Serait-elle régressive ou négative n’est pas la question de cette courte investigation. D’ailleurs il ne s’agirait même pas d’une décision concertée et organisée, ni d’un programme, ni d’un manifeste ayant comme recours à la diffusion de ses arguments écoles, colloques et séminaires.

Ces vivants auraient cependant pour but une transmission désintéressée, hors de toute spéculation, fondée sur des systèmes d’inviolabilité, de protection contre toute récupération autoritaire. Ces systèmes ont d’ailleurs sans doute déjà existé et sont aujourd’hui difficiles à décoder. A l’aide du récit, de la poésie, de l’art en général, ils ont permis de nous préserver de la dégradation des consciences aux heures sombres de l’histoire. Aujourd’hui où la majorité de la planète a été remise dans les mains d’hommes d’affaire qui se cachent et ne donnent aucun signe d’amélioration pacifique et sociétale, il serait sage de penser à l’avenir des enfants, de leurs enfants, et ce qu’il leur a été transmis. Le spectacle orchestré par les seigneurs de la guerre économique est l’un des plus grands écrans de propagande et de désinformation jamais conçue, dont les conséquences désirées sont l’amnésie du peuple et sa docilité à rentrer dans des critères de rentabilité dont ils ne seront jamais les bénéficiaires. La liberté d’opinion et la circulation de la contre-information, pareil aux parodies ou aux traditions orales anciennes, rejaillissent pourtant, foisonnantes sous de multiples formes cognitives et numériques, « streamés », « remixées », « piratées » dans la sphère de l’internet. Et c’est bien l’une des raisons pour lesquelles les multinationales investissent tant de leur argent à vouloir imposer leurs propres règles de marché dans cet outil de communication afin de contraindre leur utilisateur à rester dans l'ignorance. Je crois que l’opérateur Google a joué un rôle conquérant et essentiel lors de cette bataille. Trouvant le moyen de s’imposer dans le marché réel de l’économie et d’en faire profiter ses employés de manière nouvelle, l’entreprise et le leader de son secteur, Google, a réussi à imposer au monde son propre mode de fonctionnement, équilibre étrange entre la libre circulation d’informations et la publicité ainsi que la location de certains de ses services en constante recherche d’amélioration technique. Cet organisme devient malgré lui un acteur moral incontournable. Il fait donc l’objet de polémiques complexes et difficilement cernables. Ainsi est-on en bon droit de douter de la sérénité de ses relations avec les états et notamment leurs services de renseignement. Il est effectivement normal de s’offusquer de la censure dirigée par le gouvernement chinois surtout lors des émeutes de Lhassa avant les jeux Olympiques dont le monde entier devine l’ampleur des enjeux économiques (et dont il ne profitera toujours pas). Aussi est-il normal de se réjouir et de s’interroger sur la mise à disposition des bibliothèques nationales.


Même s’il est le plus puissant économiquement, Google n’est pas le seul opérateur. De nombreux autres web-samouraïs s’emploient à continuer l’œuvre des pionners dans la défense de libertés citoyennes et la propagation sans profit des canaux d’informations appelés « le libre ». Mais il me faut reconnaître ici à quel point j’ai digressé de mon introduction. Ces combattants du libre seraient-ils eux même membres de cette communauté invisible refusant toute expérience de résurrection programmée, éloignée de toute tentative de réactivation de mémoire individuelle ? Rien n’est moins sûr.
Je regarde alors le cheminement oblique de ma pensée. Je commence mon texte en appelant à une idée de lutte et de refus. Je me méfie onthologiquement de la commercialisation de ce rêve et je dérive. En regardant par la négative à qui profite le « crime », habitué à avoir été la proie de manipulations éducatives et scolaires, j’utilise un mode de pensée paranoïaque afin de mettre au clair ma compréhension des nouveaux moyens de connaissance et de leurs transmissions. J’y reviens maintenant avec un autre regard, plus vigoureux, plus troublé aussi par l’échauffement de ma pensée :

La mort est une porte préparée par chacune de nos vies, inexorablement. Qui la craint le plus si ce n’est ceux qui sentent ne pas avoir eu le temps de se réaliser ? Ceux-la évidemment ressentiraient-ils plus le besoin de prolonger leur temps sur terre ? Ou peut-être sommes-nous déjà conditionnés depuis longtemps par la conscience de devoir mourir et regretterons-nous plus tard cette étape comme du cadeau le plus précieux que la vie nous offrait dans son accomplissement et sa raison ? Il y aurait déjà, dans cette prospection du futur, une nostalgie de la mort, des regrets à venir de quitter le concept d’œuvre, de chose conçue et achevée, qui se livre avec ou sans clé, tandis que s’ouvriraient aux éternels cyborgs que nous serions devenus, l’apaisement de l’infini et maints pouvoirs que nous attribuions tantôt aux dieux...


Jeté dans l’équivoque de ces questions, je me souviens du legs des vieux mourants. Eux qui avaient décidé de se soumettre au soleil et à la lune. Eux qui se faisaient accompagnés par leurs enfants en haut des montagnes lorsqu’ils sentaient leur fin venir, ils allaient cueillir les derniers fruits, l’air, le vent, le feu et confiaient à leur descendance ce qu’il leur était le plus cher.

Sylvain Pack

lundi 1 décembre 2008

Prison pour les enfants, une leçon d'incivilité.


Il y a beaucoup de choses à dire d’une société qui décide d’élaborer un système pénal pour des êtres humains âgés de 12 ans.

Comment commencer alors que je n’ai qu’une connaissance instinctive de la justice ou de l’histoire des mœurs ?… Voilà tant d’années que nos plus grands penseurs décrivent ce processus d’auto-censure, de castrations, de paranoïa sécuritaire dans lequel nous sommes aujourd’hui pleinement embarqués. La somme critique et analytique est considérable, chez Foucault, Debord, Chomsky pour ne citer que les plus influents.

Penser qu’un enfant, puisqu’à 12 ans l’être biologique est un enfant (son expérience de la vie reste de douze années), doit être enfermé pour empêcher de nuire est non seulement une mesure irresponsable sur sa progéniture, mais surtout une menace sur son futur développement. Avoir peur de sa jeunesse, vouloir la dominer est déjà la preuve de l’échec de ses aînés. Il n’y a évidemment pas à discuter de la manière plus ou moins thérapeutique avec laquelle sera fait ce nouveau traitement, le but reste le même, déguisé sous de multiples décisions moralistes et nécessaires à notre bien-être : optimiser les moyens de contrôle exercés sur la population. Notre président actuel, un acteur tout aussi et différemment vulgaire que d’autres pantins européens à la solde de l’économie planétaire, pourrait être un agent de la CIA ou un socialiste convaincu de sa mission d’égalité des chances qu’il restera toujours coupable aux yeux de l’histoire et de son peuple d’accéder à un tel mépris, à une telle incompréhension envers ce qui caractérise la délinquance juvénile.



Je peux reprendre ce que je transmettais à mes élèves de lycée technique et ce que je retraduirai différemment aux enfants délinquants de foyers dont je veille les nuits. Le travail de la mémoire est un baume d’une grande douceur qui nous cache la cause de nos blessures les plus profondes. Il reste cependant de cette opération magique des récurrences les plus désastreuses au niveau social et affectif. On appelle cela des névroses, des obsessions, toutes majoritairement résultantes de traumatismes que nous avons eu à subir ou que nous avons fait subir. A ce niveau, nous sommes en total inégalité et tant que les hommes de pouvoir ne décideront pas d’un effort d’entraide et de partage des chances, la violence restera endémique. Il ne s'agit pas ici d'abonder aux thèses de la violence fondamentale de l'homme et sa nécessité de trouver un bouc émissaire pour protéger son désir d'équilibre social (immigrés clandestins, déficiants psychiatriques...) mais de pointer l'incompréhension des gens de pouvoir à l'égard de l'inégalité humaine. L'égalité est une fiction républicaine. Une valeur utopique qu'on a considéré comme quelque chose d'acquis alors qu'elle demandait tous les soins sociaux, toutes les bienveillances et toute la rigueur du politique. Que dit-on aux élèves de l'éducation nationale ?... qu'ils peuvent tous y arriver. Oui et heureusement. Qu'ils soient tous égaux est une fable odieuse, entretenue avec religiosité et bonne conscience. L'homme de pouvoir en fait sa couverture, dispersé par ses voyages, ses vacances et ses biens.

Dépister les signes avant coureur de violence chez l'enfant et vouloir déjà l'en prémunir est la suite méthodologique et terrorisante, la préparation d'une guerre indélébile envers la jeunesse, un infanticide de masse déguisé. Rien d'exagéré à mon propos lorsque, hors de tout contexte, on a la triste opportunité d'observer le processus de destruction humaine qu'entraîne l'enfermement chez ses deux protagonistes, la victime et son bourreau.

Sylvain Pack