Performances, actions, interventions sont les moyens d'expression que ces artistes peuvent utiliser et étirer jusque, parfois et par exemple, des sculptures abstraites, des drames sociaux ou encore jusqu'à des conséquences politiques réelles. Aussi je crois qu'il n'y a pas vraiment de limite en ce qui concerne la définition de ces activités ou plutôt qu'il pourrait s'agir au contraire d'un travail de résistance de ces limites même.
Reste le titre, la photographie, ou le témoignage, voire uniquement le scandale, ironie et réalité de la proposition, comme moyen de mémoriser l'art. Et encore... n'y-a-t-il pas aussi dans le geste de Santiago Sierra un fort doute posé sur ce qui fait art ?
S'il pourrait y avoir aussi dans les gestes de Gianni Motti une forme de dépréciation de l'art ou une sorte d'indifférence à son égard, ne nous y trompons pas, il s'agit d'une urgence, d'une nécessité, peut-être même d'un cri. Le milieu de l'art est venu reconnaître les gestes de Gianni Motti et les a indentifié en tant qu'oeuvres. Mais dès que Gianni Motti s'est revendiqué en auteur des séismes survenus aux Etats-Unis par le biais des médias, il avait décidé d'agir par les voix de la communication contemporaine et savait qu'il proposerait aussi un décloisonnement de la définition de l'artiste et de ses pratiques. Cela se vérifie nettement lorsqu'il prend la place d'un représentant de l'Indonésie lors d'une conférence de l'ONU pour défendre le temps de parole et les possibilités réduites de l'expression des minorités. Il sort là complètement du champ de l'art officiel et pourtant, nous tous, êtres capables de créativité, de réactivité, pouvons y reconnaître un art de faire, pouvons nous sentir invités par cette courageuse désinvolture à nous emparer du monde réel et à en faire usage.
Francis Alys, quant à lui, architecte de formation, s'est installé comme observateur de la ville. Pas l'une des moindre puisqu'il choisit Mexico City, sans doute la mégalopole la plus vaste et la plus violente de cette planète en ce début de XXIème siècle. Pour ce, l'un de ses premiers gestes sera de faire disparaître son statut d'artiste et de revendiquer aussitôt celui d'un citoyen du monde dans le corps d'un touriste.
Ses faits les plus reconnus ont tout de suite existé de manière oral même s'il s'est très vite attaché à la préparation ou à la prolongation de ces actions au moyen de pratiques plus répertoriables telle la peinture, l'installation ou la vidéo. Ainsi a-t-on pu vite entendre les histoires de ce flâneur provocant qui s'est baladé dans les rues de Mexico, un revolver à la main, jusqu'à ce qu'il se passe quelque chose, en l'occurrence son arrestation. D'autres errances faites, un énorme cube de glace à pousser jusqu'à ce qu'il n'en reste rien, des souliers aimants qui attirent à eux toute la micro ferraille des rues, ralentissant ainsi la silhouette filante, un pot de peinture percé dessinant au sol une fine trace qui permet autant de se perdre que de rebrousser chemin lorsqu'il n'y a plus une goutte... enfin des oeuvres collectives à peine croyables rassemblant des milliers de travailleurs, alignés, déplaçant de 100m une dune à la pelle (mouvement naturel que provoque le vent sur toute une année).