Amore est un titre osé, presque prétentieux. Il s'oublie aussitôt dès les premières vues glaciales de la ville de Milan sous la neige et se justifie au coeur de l'intrigue culinaire et sonore du film. Le maestro qu'a dû devenir Luca Guadagnino lors de l'intense complexité de sa tragédie, le place au niveau de ses illustres prédécesseurs italiens, chantres libres et engagés de l'après-guerre, réinventant le cinéma dans la rue, dans les studios, sous la menace ou en voyage... Le voilà, assez seul dans son genre, de l'autre côté de l'océan, sans oeuvre antécédente, face aux productions hollywoodiennes les plus ambitieuses, de Martin Scorsese à un plus jeune Paul Thomas Anderson, leur cédant quelques vocabulaires communs et les défiant soudain en grâce et en profondeur.
Dans ce cinéma spectaculaire, conscient de ses effets et généreux en artifices, la littérature semble pourtant s'immiscer et imposer une narration attentive. Evitant la pensée unique, elle dissimule son jeu, avec sa pluralité d'individus, de vies uniques et précieuses parce que l'écrivain s'attarde à leur existence réelle, méjugeables, indépendantes et intriquées, au milieu desquelles se dessine la passion amoureuse et irréversible d'Emma Recchi. Difficile de retranscrire ses impressions quand l'interprétation trouble le spectateur au point qu'il ait l'impression de se plonger dans l'être d'une femme et dans ses aspirations, et que toutes les images du film semblent passer par cette même sensibilité. C'est une longue histoire qui habite ces images, une amitié professionnelle qui lie Tilda Swinton, l'héroïne souveraine de ce roman filmique et Luca Guadagnino son réalisateur. L'obsession commune qui les motive depuis 10 ans est tellement simple qu'elle en est effroyablement ambitieuse : celle d'élire le sentiment amoureux comme le personnage central d'un film.
Dans ce cinéma spectaculaire, conscient de ses effets et généreux en artifices, la littérature semble pourtant s'immiscer et imposer une narration attentive. Evitant la pensée unique, elle dissimule son jeu, avec sa pluralité d'individus, de vies uniques et précieuses parce que l'écrivain s'attarde à leur existence réelle, méjugeables, indépendantes et intriquées, au milieu desquelles se dessine la passion amoureuse et irréversible d'Emma Recchi. Difficile de retranscrire ses impressions quand l'interprétation trouble le spectateur au point qu'il ait l'impression de se plonger dans l'être d'une femme et dans ses aspirations, et que toutes les images du film semblent passer par cette même sensibilité. C'est une longue histoire qui habite ces images, une amitié professionnelle qui lie Tilda Swinton, l'héroïne souveraine de ce roman filmique et Luca Guadagnino son réalisateur. L'obsession commune qui les motive depuis 10 ans est tellement simple qu'elle en est effroyablement ambitieuse : celle d'élire le sentiment amoureux comme le personnage central d'un film.
Grâce à cette chimère, à ce feu, j'ai eu la chance d'être emporté dans un flot de sensations et d'émotions, découvrant une kyrielle d'acteurs, chacun devenant irremplaçable. Pippo Delbono, metteur en scène de performances et d'un théâtre débridé, se métamorphose en patron-esclave d'une grande industrie de textile et se révèle d'une gravité saisissante. Ses fils et ses filles, en successeurs embarrassés deviennent si fragiles ou si forts que le tourment s'intensifie et éclate en brasier culturel et social. L'amour emportera tout, on le comprend peu à peu et de plus en plus sérieusement. Deux corps nus jouxtent leur épiderme, cotoyés par des insectes affairés. Une saison chaude, la menace de l'orage, la musique de John Adams sur laquelle certaines scènes ont été conçu, orchestrent le destin irrépressible de l'amour et scellent son plaisir à sa cruauté. Les ornements, les coiffures et les bijoux, tout cet appareillage illusoire accentue le contraste des sentiments. Argent, gemmes rares, porcelaine et nacre donnent à voir toute l'ambiguïté de leur rareté. Sidérant notre regard dans les endroits les plus sombres, les précieuses matières nous renvoient à la vacuité inéluctable de nos chairs, à la supériorité de nos sentiments et de nos choix. Ce film m'est devenu inoubliable.
Sylvain Pack.