Le théâtre, le lieu-dit du théâtre est un espace de formulation et de communication tout à fait particulier. Descendant des amphithéâtres et des roulottes, il porte encore en lui les paroles d'êtres extrêmement divers et singuliers, poètes bien sûr, tragédiens, révoltés, anarchistes, moqueurs, comiques et autres cyniques. Je n'irai pas jusqu'à dire que tous les écrivains ou metteurs en scène de théâtre étaient des héros de la contestation mais il va sans dire que l'histoire des arts a plus retenu les intrépides et les rebelles que les valets de l'ordre établi. On peut imaginer à cela bien des raisons.
Le théâtre tel qu'il s'est développé et qu'il a voulu être préservé à grande peine, est un art non sectaire. Plusieurs castes sociales peuvent y assister de manière séparée ou confondue mais le théâtre ne privilège apparemment aucune d'entre elles. Le choix du langage ne créé là aucune séparation car le spectacle, la mise en mouvement et le décor, nous réunit sous un même enchantement, sous un même charme. La poésie la plus hermétique peut totalement cacher son sens à la majorité de ses spectateurs mais elle peut en réunir le plus grand nombre par sa musicalité. Ainsi et un peu différemment ai-je pu être fasciné par les dialogues entre Pier Paolo Pasolini et les représentants de couches populaires minorées dans son reportage "Comizi d'amore". A aucun moment Pier Paolo Pasolini n'a besoin de simuler un autre langage que le sien, c'est à dire une langue complexe et redoutable, nourrie de philosophie contemporaine et de sciences humaines pour rentrer dans un contact intime avec ses interlocuteurs. Que le poète Ungaretti, très âgé et encore taquin sur une chaise de plage, lui réponde avec tendresse sur les aléas de sa vie sexuelle, ou que de jeunes calabraises puissent confier à la caméra leur manque d'autonomie affective dans une région reculée et machiste, on ne distingue chez l'auteur aucune démagogie langagière, aucune préférence quant à l'importance de la parole.
Le théâtre tel qu'il s'est développé et qu'il a voulu être préservé à grande peine, est un art non sectaire. Plusieurs castes sociales peuvent y assister de manière séparée ou confondue mais le théâtre ne privilège apparemment aucune d'entre elles. Le choix du langage ne créé là aucune séparation car le spectacle, la mise en mouvement et le décor, nous réunit sous un même enchantement, sous un même charme. La poésie la plus hermétique peut totalement cacher son sens à la majorité de ses spectateurs mais elle peut en réunir le plus grand nombre par sa musicalité. Ainsi et un peu différemment ai-je pu être fasciné par les dialogues entre Pier Paolo Pasolini et les représentants de couches populaires minorées dans son reportage "Comizi d'amore". A aucun moment Pier Paolo Pasolini n'a besoin de simuler un autre langage que le sien, c'est à dire une langue complexe et redoutable, nourrie de philosophie contemporaine et de sciences humaines pour rentrer dans un contact intime avec ses interlocuteurs. Que le poète Ungaretti, très âgé et encore taquin sur une chaise de plage, lui réponde avec tendresse sur les aléas de sa vie sexuelle, ou que de jeunes calabraises puissent confier à la caméra leur manque d'autonomie affective dans une région reculée et machiste, on ne distingue chez l'auteur aucune démagogie langagière, aucune préférence quant à l'importance de la parole.
De la même manière le théâtre étend son spectre autant vers les gens de condition précaire que vers la bourgeoisie, autant vers la tyrannie que ses esclaves. Vous viennent alors en tête, des auteurs phares ou groupes qui, chacun dans leur parcours unique se sont passionnés pour cette contradiction, voire ces batailles, Shakespeare, le Living Theater, Molière, Bertolt Brecht, Samuel Beckett, Garcia Lorca... Les premières polémiques du festival d'Avignon n'y étaient pas étrangères. En effet là où les pièces de répertoire s'installaient dans de confortables acquis, Jean Vilar ne voulait plus être. Et c'est surtout dans cette réaction politique, liée donc aux affaires de la cité, qu'il a voulu remettre le théâtre en jeu, face à son public d'origine (un public hétéroclite), dans des espaces plus exposés, plus extérieurs. Que de nombreux auteurs contemporains ne l'aient pas suivi est plutôt dommage mais ils n'ont en rien empêché le développement international de ce projet hors-norme. Il y avait surtout là le signe persistant d'un doute quant à l'autorité du pouvoir et Jean Vilar n'hésitait pas à insister sur ce point à chacun de ses interviews.
Ce rappel de sens a grandement influencé les arts vivants européens et il est aujourd'hui évident qu'on trouve à cet endroit de confluences d'héritages une véritable confusion. Les uns en retiennent le pluri-disciplinaire, l'art contextuel, les autres un théâtre indépendant et populaire. Les structures nationales et les institutions sont à l'affût du choc et du sensationnel. Bref l'affaire de fond, enfin celle qui m'intéresse ici, s'est partiellement disloquée. Alors qu'entend-on par contre-pouvoir ?
Contre le pouvoir, qui abuse de son autorité et qui met à genoux ceux qu'il matte, il y a bien des réactions et des révolutions. La révolte est rarement univoque. Sans doute l'énergie du contre-pouvoir est à rechercher dans la revendication de l'être pluriel, dans la possibilité d'être différent et de se comporter différemment. Cette hétérogénéité est justement la marque du théâtre. Si le pouvoir est souvent pyramidal, le théâtre est plutôt anarchique. Tantôt, basse-cour ouverte et sans siège où tout public se mêle, tantôt paradis réactif et piailleur, cellules de privilèges pensant, tantôt miroir exact et dangereux, tantôt vraie démocratie ou forum public... le théâtre ne se laisse jamais prendre par la définition. La preuve encore aujourd'hui où la majorité des salles est redessinée par l'afflux des spectacles trans-genres où l'espace du public est décidé en fonction de la proposition scénique. Et dans la perspective de cette souplesse de mise en scène, de débordement vers le spectateur se rejoue l'origine sémantique du théâtre. Ce mot est encore et toujours questionné puisqu'il s'agit originellement de l'espace où se situe le spectateur; d'où il peut évoluer, d'où ses divergences de compréhension et d'acceptation fondent sa propre société. Si l'abus de pouvoir est majoritairement l'effet d'un petit groupe et d'un seul despote, le théâtre est décidément, comme son envers, le lieu de sa contestation.
Ce rappel de sens a grandement influencé les arts vivants européens et il est aujourd'hui évident qu'on trouve à cet endroit de confluences d'héritages une véritable confusion. Les uns en retiennent le pluri-disciplinaire, l'art contextuel, les autres un théâtre indépendant et populaire. Les structures nationales et les institutions sont à l'affût du choc et du sensationnel. Bref l'affaire de fond, enfin celle qui m'intéresse ici, s'est partiellement disloquée. Alors qu'entend-on par contre-pouvoir ?
Contre le pouvoir, qui abuse de son autorité et qui met à genoux ceux qu'il matte, il y a bien des réactions et des révolutions. La révolte est rarement univoque. Sans doute l'énergie du contre-pouvoir est à rechercher dans la revendication de l'être pluriel, dans la possibilité d'être différent et de se comporter différemment. Cette hétérogénéité est justement la marque du théâtre. Si le pouvoir est souvent pyramidal, le théâtre est plutôt anarchique. Tantôt, basse-cour ouverte et sans siège où tout public se mêle, tantôt paradis réactif et piailleur, cellules de privilèges pensant, tantôt miroir exact et dangereux, tantôt vraie démocratie ou forum public... le théâtre ne se laisse jamais prendre par la définition. La preuve encore aujourd'hui où la majorité des salles est redessinée par l'afflux des spectacles trans-genres où l'espace du public est décidé en fonction de la proposition scénique. Et dans la perspective de cette souplesse de mise en scène, de débordement vers le spectateur se rejoue l'origine sémantique du théâtre. Ce mot est encore et toujours questionné puisqu'il s'agit originellement de l'espace où se situe le spectateur; d'où il peut évoluer, d'où ses divergences de compréhension et d'acceptation fondent sa propre société. Si l'abus de pouvoir est majoritairement l'effet d'un petit groupe et d'un seul despote, le théâtre est décidément, comme son envers, le lieu de sa contestation.
Sylvain Pack
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire